*Designing the Future of Business
En réaction à un article paru dans Business Week, intitulé « Designing the Future of Business », La Revue du Design vous propose une analyse signée Olivier Sauvage, consacrée aux liens entre design, économie et stratégie d’entreprise.
Le Design comme moteur de croissance
Ce qui m’a frappé dans Designing the Future of Business, par Marty Neumeier, c’est la mise en avant de la créativité, de l’innovation et de l’imagination comme moteurs de la croissance. Ce sont ces aspects que traduisent le mot « Design », c’est à dire la capacité à imaginer de nouvelles manières de vendre des produits, de les faire aimer, de séduire avec : en un mot comme en cent, puisque les enseignes et commercants vendent tous la même chose, à peu près, parce que le web crée une sorte de réduction, de proximité de l’espace et du temps – tout est à portée d’un clic en un clic, pensez aux comparateurs de prix, à Google – il devient impossible de cacher la vérité au Client.
« In the new century, customer ignorance won’t be enough to keep competitors at bay. » (Au XXIe siècle, l’ignorance des clients ne suffira plus à tenir à distance la concurrence).
Oui, c’est certain, il ne faudra plus, il ne faut déjà plus compter sur l’ignorance du client. Celui-ci devient de plus en plus difficile à tromper ou à cerner, tant il est devenu mobile, loquace, farfouilleur, malin. Il sait utiliser les outils du consommateur moderne, des outils qui n’existaient pas avant : il compare, il recherche, il commente, il donne son avis (quel toupet, quand même !) et le partage avec toute la planète, il va chercher dans le monde entier ce dont il a besoin, il va trouver la perle rare quitte même à payer un peu plus cher parfois un produit qui va faire de lui un être unique, exceptionnel, original, et tout ça, en restant assis confortablement chez lui. Comment alors, dans un tel contexte, pouvoir encore le séduire, l’accaparer et, surtout, le fidéliser ? Comment alors se différencier ? Comment alors se démarquer de ses concurrents, tous de plus en plus nombreux, tous accessibles, tous visibles en un tour de main sur la même place de marché ?
« Now people have more buying choices, so they’re choosing in favor of beauty, simplicity, and the « tribal identity » of their favorite brands ». (Maintenant que les gens ont plus d’options d’achat, ils choisissent en faveur de la beauté, de la simplicité et de « l’identité tribale » de leur marque favorite).
Comme les gens ont le choix, ils choisissent en faveur de ceux ou celui qui les différenciera le plus de la masse (individualisme, quand tu nous tiens !). Pensez à Nike, pensez à Apple, pensez à la manière dont il font croire à leurs acheteurs qu’en achetant leurs produits, ils seront originaux et uniques, alors que ces produits sont fabriqués en quantités industrielles et vendus en quantités substantielles.
Et pourtant, ça marche ! Pour nous faire bien comprendre la différence entre une entreprise qui est « Design » et une autre qui ne l’est pas, Mike Elgan cite l’exemple bien connu de Steve Ballmer hurlant sur scène en parlant de Microsoft « J’aime cette compagnie » et lui oppose Apple où ce sont les acheteurs qui le crient. Big difference !
« CEO Steve Ballmer is famous for a crazy video in which he yells « I love this company » In the case of Apple, it’s the customers who shout that »
L’entreprise moderne doit être créative, inventive, ingénieuse. Elle doit sans cesse régénérer son image, la réinventer, la faire vibrer, la rendre attractive, non seulement pour ne pas lasser le consommateur, toujours plus friand de nouveautés, mais pour montrer une image d’innovateur, d’avant-gardiste, d’explorateur, de tendanceur de mode (Pensez au baseline actuel de la FNAC, « agitateur d’idées », il n’y a pas que du post-soixante-huitardisme consumériste là dedans). Il n’est donc plus question de rester assis sur ses concepts, mais au contraire de les réinventer en permanence. Il n’est donc plus question de vendre uniquement des produits, mais de vendre des modes de vie, des styles, des tendances, du rêve et des symboles.
Le concept de Design évoqué par Marty Neumeier est vaste et je souhaite n’en retenir que deux aspects :
I – La personnalisation ou le design participatif de la marque
La personnalisation permet de fabriquer des produits uniques pour chaque acheteur. Chaque produit possède sa part de rêve propre. Une part du concept du produit appartient à l’utilisateur qui y projette et matérialise sa propre vision de la marque. Il la fait vivre et la fait se reproduire à sa manière, de façon infinie (et c’est un peu ce que nous recherchons, non ?), il participe au concept, il a l’impression d’être un acteur conscient de sa propre consommation, il est encensé par son achat.
La personnalisation peut se décliner sous de nombreuses formes : personnalisation des produits, personnalisation des concepts, personnalisation des interfaces, personnalisation du service.
L’exemple fameux de nikeID nous montre déjà la voix : comment produire à des milliers d’exemplaires des produits totalement uniques en partie conçus par leurs utilisateurs. D’autres s’y mettent aussi et j’avais déjà, dans un précédent article puiblié sur le site Capitaine Commerce, parlé du L-commerce avec la possibilité pour le consommateur de créer de nouveaux produits à partir de produits existants. Mais la personnalisation, c’est aussi l’iPhone avec ses milliers d’applications qui rendent chaque exemplaire unique (du moins à l’intérieur, parce qu’au niveau design extérieur, dans le sens habituel du terme, on sait qu’Apple demeure particulièrement intransigeant, c’est « Touche pas à mon design », à tel point que je n’ai jamais vu autant d’utilisateurs d’ordinateur que ceux d’Apple recouvrir leur « petit chéri » de gaine, d’étui de protection en plastique, de housse moletonée, pour ne pas l’abimer, « ne pas rayer la carrosserie », ce qui montre à quel point la firme à la pomme a atteint des sommets dans le fétichisme de sa marque).
En fait, la personnalisation répond parfaitement à ce concept de Design. La personnalisation, c’est « créez votre propre produit à travers ma marque ». Autrement dit, « Devenez unique, mais avec mon logo dessus ».
II – Il faut savoir créer sa légende
Portée par Apple, l’image propulse votre marque à des sommets et transforme vos acheteurs non plus en consommateurs, mais en adorateurs. L’image demande beaucoup plus d’investissements que la personnalisation, mais vaut vraiment le coup qu’on y consacre beaucoup d’énergie. Pourquoi ? Parce que l’image fabrique une légende, une légende qui fait rêver, et rien ne vaut le rêve pour vendre. Essayez donc un i-Phone, outre son design (dans le sens « starkien » du terme), son design (dans le sens symbolique) vous transporte rien qu’à sa vue, puis, et c’est encore plus fort, à son toucher. Le toucher est le sens premier de l’iPhone, ce qui en fait un objet extrêmement sensuel qu’il est impossible de ne pas aimer.
Je pense, paradoxalement, mais c’est peut être nouveau, que de plus en plus, les marques doivent donner du sens à leurs acheteurs, mais ce sens ne doit pas être réduit à des concepts bobo-écolo comme le développement durable ou la consommation verte, non, ce sens doit toucher plus profondément notre âme. Avec mon iPhone, je me sens une personne brillante, intelligente, au delà de la masse, je montre que j’ai du goût, en bref, je me démarque et j’en suis fier. C’est cet esprit qu’il faut insuffler à votre site. Qu’est-ce qui fait que le produit que je vends transforme son acheteur en une personne épatante, formidable et brillante ?
« Design drives innovation, innovation powers brand, brand builds loyalty, and loyalty sustains profits. » (Le Design pilote l’innovation, l’innovation propulse la marque, la marque bâtit la loyauté et la loyauté alimente les profits).
Le Design, répétons-le, la créativité, l’imagination, le rêve, doivent être le moteur de toute stratégie d’entreprise. Ne vendez pas des aspirateurs, vendez des « accessoires de bien être » (la propreté, c’est du bien être, non ?). Ne vendez pas des PC, vendez des Mac (bon là, c’était facile). ne vendez pas des slips, vendez du sex-appeal. Et caetera.
« Creativity in its various forms has become the N°1 engine of economic growth. » (La créativité dans ses multiples formes est devenue le moteur n°1 de la croissance économique).
Olivier Sauvage
L’auteur : après avoir fondé et dirigé pendant 4 ans sa propre Web Agency (OS Systèmes), Olivier Sauvage est désormais Responsable des nouveaux projets webs du groupe 3SI (3 Suisses International). Il est également le fondateur de Capitaine Commerce, un site Internet dédié au ecommerce. L’article présenté ici est d’ailleurs tiré d’un texte publié il y a quelques jours sur Capitaine Commerce.
En complément, nous vous recommandons la lecture de l’excellent article « Designing the Future of Business », publié dans Buisness Week le 13 aout dernier.