Et le design redeviendra poussière
Par Elodie Palasse.
La designer norvégienne Kaja Solgaard est une tueuse qui nous veut du bien. Tout commence avec le massacre d’une inoffensive commode sauteuse de style Louis XV. On reconnaît immédiatement son ennuyeuse silhouette au tablier bedonnant, ornée de cuivres maniéristes, ses hautes pattes chichiteuses, sa façade ventrue flanquée de tiroirs dont la manipulation s’accompagne souvent d’une légère odeur de naphtaline.
Notre victime est la soeur de celle qui trône ou traîne dans votre chambre, votre salon, comme un cheveu sur la soupe, depuis que vous en avez hérité. Valeur sentimentale et valeur commerciale sont autant d’arguments mis en avant pour assurer la sauvegarde du meuble, en dépit du caractère « hors contexte » de sa présence.
Intervient alors Kaja Kristine Solgaard Dahl de son vrai nom, géniale criminelle: voilà la commode de style brutalement réduite en copeaux, ensuite compressés pour modeler la silhouette tout aussi familière de la petite table la plus vendue de l’histoire d’Ikea.
« Quelque chose qui fut jadis exclusif et original a été transformé en l’un des meubles les plus abordables, massivement produits et plus vendus de notre siècle. Cette table, vous la retrouvez dans toutes les maisons. A travers notre processus de transformation, nous avons adapté un objet passé de mode, qui a perdu son sens, en un meuble qui répond à nos style de vie et intérieur contemporains. »
Qu’importent le résultat peu esthétique et l’illustration peu vendeuse, car la question soulevée est essentielle : celle de la valeur intrinsèque de l’objet, sous-tendue des sempiternelles notions de patrimoine, d’héritage, et de marché.
Kaja Solgaard (en collaboration avec Eddi Törnberg, déjà remarqué avec son amusant projet de chaise-étagère) a appuyé ses recherches sur une base célèbre : celles de l’étonnant groupe de Bloomsbury. Le groupe d’artistes, réunis sous la houlette de l’écrivain Virginia Woolf, dont les peintres Duncan Grant et Vanessa Bell (soeur de Woolf), les auteurs E. M. Forster (Maurice, Chambre avec vue, La route des Indes) ou Vita Sackville-West, fut actif du début du 20e siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Créée à leur initiative en 1917, la maison d’édition Hogarth Press comptait parmi ses auteurs Gertrude Stein, John Meynard Keynes ou Katherine Mansfield.
Cependant, derrière la folie douce d’un mouvement pas si éphémère qu’Alberto Moravia le prédisait en 1930 (l’auteur avait “infiltré” le mouvement, pour les besoins d’un reportage), c’est un des fondamentaux du groupe, régulièrement oublié depuis, qui a fasciné Soljgaard et Törnberg: le manque de respect vis-à-vis de la supposée valeur des objets et la préciosité de l’héritage patrimonial.
« Notre point de départ, c’est la façon que le groupe de Bloomsbury avait de modifier les objets », faisant effrontément fi de la valeur de l’objet, comme pour les fameux Omega workshops, « quand ils peignaient une cheminée de marbre ou par-dessus un tableau. »
« Nous avons voulu explorer la relation qu’entretenaient les membres du groupe de Bloomsbury avec les objets, dans leur environnement, leur façon de les élever au niveau supérieur, à l’étape suivante, sans aucun souci de respect. »
Le projet des deux designers est à considérer comme une invitation ouverte à la réflexion autour de la valeur de l’objet et de la question de l’héritage : comme on hérite un bien de générations précédentes, le design actuel a hérité de savoir-faire qui étaient eux-mêmes le résultat d’explorations, de tentatives, de choix. Si l’illustration physique du projet de Solgaard et Törnberg n’est pas forcément séduisante, au sens commercial du terme, elle a le mérite d’être accrocheuse, et l’intrigue bien menée.
Source : beckmans.se.
Journaliste indépendante (Connaissance des arts, L’Art aujourd’hui, L’Express…) et responsable éditoriale dans le secteur du livre illustré, Elodie Palasse est diplômée de Christie’s Education, école de la maison de ventes britannique, en Histoire & marché de l’art et en Arts décoratifs. Spécialisée en Histoire du design, elle a fondé le blog Sleek Design en 2009.
le 14 avril 2010 à 7 h 41 min
Avec son double cursus (art school, Oslo. Specializing in 3-dimentional techniques. Sculpture, installation and space. + BI. Norwegian School of Management, Oslo. Bachelor in Marketing communication. Bachelor, image and identity),Kaja Kristine Solgaard Dahl a compris que le scandale est une des clefs de la notoriété dans l’art et que beaucoup d’artistes et de designers sont devenus surtout des raconteurs d’histoire (storytelling). Je laisse le champ libre aux experts de Miami -Bâle car pour l’instant je suis avec mes aspirants designers à Milan et c’est une tout autre histoire du design.
le 14 avril 2010 à 8 h 03 min
… et le design ressemble plutôt à cela
http://www.spotd.it/2010/04/interview-eugeni-quitllet.html
…. ou à cela
Consulter le dernier numerio d’interni
http://www.internimagazine.it/Site/HomePage,intLangID,2.html
ou la partie du site Domus dédié au salon
http://www.domusweb.it/salonemilano2010/index.cfm
ou Abitare
http://www.abitare.it/highlights/the-best-in-1-
ou cela à satellite
http://www.flickr.com/photos/designidee/
le 14 avril 2010 à 8 h 10 min
ou à Zona tortora
http://www.flickr.com/photos/br1dotcom/tags/zonatortona/
le 14 avril 2010 à 8 h 19 min
J’ai mis au point cette méthode à ICFF New York
Je fonctionne comme un routeur au sol avec un navigateur solitaire entre mes écrans et mes moteurs de recherche ici et « mes » designers solitaires (et quelquefois solidaires) à Milan
Je fais parvenir ces photos prises à zonatortona et diffusé dans flickr à un designer qui est en ce moment à satellite avec mes comments et lui m’envoit ses comments sur le projet elastische houten stoel à satellite.
http://www.flickr.com/photos/br1dotcom/tags/zonatortona/
le 14 avril 2010 à 9 h 58 min
Pour l’instant à Satellite Milan, c’est le designer belge Ruben De Keyser qui remporte beaucoup l’attention des visiteurs ainsi que les autres membres de bakery group (Israel) qui comme mon observateur sur place me l’indique sont innovants dans le process … et pas simplement dans le storytelling.
@ comment by a senior designer: » i saw it…..I think Bakery group deserve great attention, because they are quite good at innovating the process. »
le 14 avril 2010 à 11 h 23 min
Milan fin de « party »?
Dans le New York Time , ALICE RAWSTHORN a-t-elle dès le premier jour du salon de Milan le recul nécessaire J’avais déjà reniflé dans les preview et anteprima de projets vues sur le web ….et à ICFF New York l’ annonçe du déclin du design conceptuel cannibalisé par la design academy de Eindhoven et plus généralement les designers hollandais. Les crises se montrent à Milan, plus industrieuse et le match décalé Paris Cologne pour le second rôle ne fait que commencer…par la montée des editeurs italiens à Paris…
http://www.nytimes.com/2010/04/12/arts/design/12iht-design12.html
le 14 avril 2010 à 11 h 31 min
Ilse Crawford, designer commissaire de l’expo Eindhoven à Milan “Design needs to be seen more as a critical process, and less about making things look good.”
le 14 avril 2010 à 18 h 37 min
@ Prof Z:
Si vous avez un lien sur une « FlickrGalerie » de la zone FuoriSalon, et la zone SaloneSatellite, je suis amateur.
Le projet Elastische est tres interessant, reste a savoir la resistance a une torsion continue combine aux tractions quotidiennes. Mais une combinaison creant un materiau eco-friendly d’un nouveau genre, ouf.
Ils ont interet a bien vendre leur produit, car il y a un fort potentiel industriel dans de nombreux domaines.
Un beau proces quoi qu’il en soit.
le 20 avril 2010 à 9 h 49 min
Lucie Lavigne, belle journaliste québecoise (sa maison noire est toute aussi belle) « mordue d’architecture contemporaine et de design d’objets, » comme elle se présente, observe plus qu’elle ne commente l’univers milanais des addicts, des design victims, des groupies et des copycats de Philippe Starck….C’est à voir (video) pour le croire
http://blogues.cyberpresse.ca/montoit/archiblogue/2010/04/15/parmi-les-groupies-de-philippe-starck/