Design, encore toute une histoire?
Par Tony Côme.
Les années 2000 ont été marquées par de nombreuses publications concernant le système disciplinaire et les découpes problématiques qu’il implique. L’anthropologie, la sociologie mais aussi l’architecture et l’histoire de l’art se sont successivement demandées en quoi elles pouvaient être considérées comme des champs disciplinaires à part entière. Dans quelle mesure, en se situant si souvent à la croisée de pratiques si diverses, elles pouvaient encore avoir le statut de disciplines autonomes? Grâce au récent travail d’Alexandra Midal, le design n’échappe pas à cette remise en question générale. Cette recherche fournit-elle pour autant de vrais éléments de réponse?
Publié à la fin de l’année 2009, Design, Introduction à l’histoire d’une discipline ne se présente pas, a priori, sous la forme d’une énième histoire du design. Malgré ce que laissent craindre les premières pages de l’ouvrage, cette « histoire simple, courte et accessible du design », cette « histoire en format poche, facile et agréable à lire » se veut inédite. Ce ne sera pas du Raymond Guidot ni du Danielle Quarante, nous annonce l’auteur qui juge que ces théoriciens concentrent trop leur étude sur « la technique et l’innovation dans la création des objets industriels ». Si ce postulat est d’ores et déjà contestable, on remarquera également qu’Anne Bony est ici esquivée alors qu’elle a, pour sa part, déjà beaucoup œuvré dans le domaine de la vulgarisation, dans le domaine du design agréable à lire. Mais, passons sur ce détail…
La publication d’Alexandra Midal est véritablement inédite dans la mesure où elle propose une histoire du design sans image et, quelque part, sans objet (position tellement difficile à tenir qu’on aura tout de même plaqué en couverture la photographie, bien convenue, d’un fauteuil d’Alvar Aalto). Si la démarche est difficile à assumer, tant le design est communément et historiquement associé à la production intensive d’artefacts, elle reste toutefois intéressante, enthousiasmante. Aussi théorique soit elle, on a envie de tenter l’aventure. En prenant le parti de « taire l’importance des échanges entre d’un côté, le design et les arts plastiques, le dialogue entre les avant-gardes et le design […], de l’autre, le design et l’architecture », Alexandra Midal prétend pouvoir revenir aux sources d’une discipline singulière. Son histoire, « politique » comme elle le répète à plusieurs reprises, tend à retrouver les bases d’une pratique « autoréférencielle et autonome ».
Dès lors, son approche convoque des références qui, effectivement, n’ont pas souvent été utilisées pour expliquer l’émergence de cette branche des arts appliqués. Le texte s’ouvre par exemple sur les figures de Catharine Beecher et de Christine Frederick qui, à la fin du XIXe siècle, ont tenté de transposer, au sein de la sphère domestique, les principes du taylorisme nés dans le monde ouvrier. Celles-ci proposent, assez tôt dans l’histoire, d’apporter l’eau courante dans les cuisines, et, d’une manière plus générale, d’automatiser l’ensemble de la maison afin d’émanciper la femme qui y siège. Elles contribueraient ainsi à « faire aboutir la démocratie », ce qui, aux yeux d’Alexandra Midal, s’affirme très vite comme la visée première du design.
Dans cette quête particulière, l’auteur revient également sur des détails que l’on pourrait avoir oubliés ou n’avoir même jamais rencontrés. Elle rappelle notamment que le premier usage du terme « design » est attribué à Sir Henri Cole et remonterait à l’année 1849 – Henri Cole, éminence grise du Prince Albert et coorganisateur de la première Exposition Universelle, étant lui aussi une de ces figures négligées par la plupart des histoires du design, un de ces personnages qui, au côté d’un certain docteur Cazalis, rédacteur de plusieurs traités d’aménagement intérieur, au côté du critique John Gloag qui met en avant le concept de « good design » ou encore d’Edgar Kaufmann Jr., conservateur au MoMA, recouvrent dans cet ouvrage une vraie proéminence.
Dans son exploration du système disciplinaire, Alexandra Midal revient sur d’importantes questions de terminologie. Elle constate qu’à partir de la fin des années 1960, ont lieu de plus en plus de « querelles sémantiques concernant l’appellation de l’activité du designer » et que « loin d’être un détail, la recherche du nom adéquat accompagne la montée en puissance de l’autonomie du design ». Ainsi, alors que les Allemands adoptent le terme de Gestaltung, les Italiens celui de Progettazione, les Français hésitent encore entre l’expression « esthétique industrielle » avancée par Jacques Viénot et le « tout design » anglo-saxon.
Il y a bien crise, crise des pratiques traditionnelles corrélée à une crise générale du langage. Sur ce point, l’analyse d’Alexandra Midal est particulièrement intéressante. Après un cheminement plutôt sinueux, après un parcours saccadé qui, en un tournemain, nous fait passer par exemple de la question du retour à l’artisanat chez William Morris à celle du streamline chez Raymond Loewy, l’ouvrage se clôt sur de vraies questions disciplinaires. Deux mots au goût du jour, interdisciplinarité et transdisciplinarité, sont ainsi questionnés en profondeur.
Toutefois, on remarquera que la question de l’enseignement du design (et des institutions associées) est complètement négligée dans cet ouvrage. Une discipline est tant une découpe, une organisation des savoirs et des pratiques, qu’une structure pédagogique, un système de transmission. À ce titre, il aurait été intéressant de trouver analysé, dans ce déroulé historique, un certain nombre d’écoles. Les organisations disciplinaires de structures aussi fondamentales que le Bauhaus ou l’école d’Ulm auraient mérité d’être détaillées.
Certes, il faut reconnaître que nous n’avons affaire ici qu’à une « introduction ». Dans les dernières pages, Alexandra Midal explique en effet que « cet ouvrage peut paraître incomplet eu égard à la richesse du design et à ses histoires nationales », et qu’elle a simplement tenté de « synthétiser et de préciser les enjeux et les idées essentielles trop souvent négligées, et non de peindre l’ensemble du panorama ou de dresser l’inventaire exhaustif de toute la production du design ». Cela n’excuse pas tout pour autant. Force nous est de constater en effet que les sources étudiées ne sont malheureusement pas toujours de première main, que les citations sont parfois si longues que l’on ne sait plus vraiment qui l’on est en train de lire et que, cela ne facilite pas non plus la lecture, le texte présente un bon nombre d’incorrections.
Design, introduction à l’histoire d’une discipline est une histoire du design qui tient dans une poche, c’est déjà ça. Emportons-la donc avec nous le temps d’une virée en métro et lisons-la vite, aussi vite qu’elle a été écrite.
Ancien élève du département Design global de l’École Normale Supérieure de Cachan, Tony Côme est agrégé d’Arts Appliqués. Actuellement engagé dans un travail de recherche autour de la transdisciplinarité en Arts Appliqués, il est également l’auteur d’un travail de maîtrise en Histoire de l’Art intitulé Claes Oldenburg, sculpteur de villes – Les considérations architecturales d’un artiste Pop. Par ailleurs, il développe une pratique plastique personnelle. En tant qu’illustrateur, il a collaboré à plusieurs revues littéraires (Immédiatement, La Sœur de l’Ange, La Presse Littéraire…) et prépare actuellement la publication d’un livre d’artiste. Depuis avril 2008, il est critique au portail des livres et des idées, nonfiction.fr.
le 13 mai 2010 à 8 h 27 min
Pour parodier Ron Arad, le design n’est pas une discipline mais une indiscipline, une affirmation d’un pretention, d’un ego d’un créateur sur les autres createurs (chercheurs, ingénieurs, techniciens) qui maîtrisent moins bien que lui le bon trait, la juste proportion donc un certain type de dessin mais aussi les références artististiques et culturelles. Dans cette affirmation, il se heurte ou il s »allie au marketeur , au communicateur, au financier, à l’entrepreneur à moins qu’il ne soit lui-même un ou plusieurs d’entre eux. S’il est connu, si sa signature est reconnu, si c’est une marque de designer ou si c’est le jeune qui monte, chouchou des journaliste de style, il s’attribue ou la presse lui attribue tout le projet . Il devient aux yeux de tous « genius designer » car il a « tué » par son omnipresence médiatique,par le verbiage de ses discours ,par son image, par ses petits escamontages (mensonges par omission, simplification, reduction etc ),par l’incompétence en design des redacteurs, tous les autres intervenants de son studio et d’ailleurs, même s’il cite leur nom … et même si c’est un échec commercial, comme c’est souvent le cas, il en reste la trace médiatique, un épais dossier de presse qui fera illusion car personne, même pas le designer, n’a accès aux vrais chiffres de vente…. Etait-il un designer de projet ou de produit ou même de vision comme il le prétend ou un designer de communication ou de promotion comme disent ses confrères . Etait il au service du marketing d’une marque ? Etait-il le jouet des autres?
PS Plus surprenant
Tony Come, n’utilise pas le mot design comme un des chapitrages de son site internet mais pour ses écrits le mot verbiage.
http://come.tony.neuf.fr/verbiage.html