L’objet en question(s): l’aménagement de l’Institut Français de Turquie à Ankara, par Constance Guisset

Quand le prix fait autant que le produit… »

L’objet en question(s): l’aménagement de l’Institut Français de Turquie à Ankara, par Constance Guisset

La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux…

Ce mois-ci, nous échangeons avec la designer Constance Guisset à propos de l’aménagement de l’Institut Français de Turquie à Ankara, pour lequel elle a notamment imaginé une collection de mobilier intitulée Ankara Star.

Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
Il s’agit d’un aménagement pour le nouvel Institut Français d’Ankara qui ouvrait en octobre 2010. Dans le cadre de ce projet, en collaboration avec une architecte Turque, on m’a demandé de travailler les espaces du rez-de-chaussée, à savoir l’accueil, la cafeteria et la librairie.

Comment ce projet vous a-t-il été confié?
Sur proposition de l’Institut Français, je me suis associée à une architecte Turque pour participer à l’appel d’offre concernant l’aménagement d’un bâtiment neuf dessiné par cette même architecte. Notre équipe a gagné l’appel d’offre et nous nous sommes lancées dans l’aventure.

Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
La principale contrainte était budgétaire, bien entendu. Mais une autre contrainte a énormément orienté le projet: la nécessité de faire fabriquer ou d’acheter tous les meubles en Turquie. Au vu de la potentielle complexité des échanges avec des fabricants multiples, j’ai donc choisi de concevoir toute la collection selon une unique technique de pliage métal et de découpe de bois (sans aucune utilisation de moule). Cette décision a permis de simplifier au maximum les échanges et de faire progresser la technique au fur et à mesure des fabrications.
Les meubles sont donc en métal plié, soudé, vissé avec un plateau en bois peint sur la tranche. Ils sont peints dans un camaïeu de gris, à l’exception des éléments de référence, tels la banque d’accueil, la caisse de librairie et le bar, reconnaissables à leur couleur noire.

Quel était votre concept ou votre idée de départ?
Mon principal objectif était de concevoir un espace harmonieux et qui permette une circulation aisée dans un espace restreint contenant plusieurs entités (cafeteria, librairie, accueil) et servant principalement de lieu de passage vers les salles de cours. Par ailleurs, l’espace devait pouvoir être changé en diverses occasions (réceptions, etc.). C’est pourquoi les meubles sont tous amovibles et forment une constellation de formes circulaires facilement contournables.

Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
Trois entités constituaient mes interlocuteurs: l’Institut Français, les architectes et les artisans qui réalisaient les meubles. J’ai du collaborer avec chacun d’eux et respecter les protocoles d’information au sein de ces entités.

Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
Dans mon agence, trois personnes ont principalement collaboré sur ce projet. Au sein de l’Institut, il me semble qu’entre 3 et 5 personnes ont participé à différents niveaux et l’équipe devait être aussi importante dans l’agence VEN de l’architecte Gül Gülven, qui était en charge de tout le reste de l’aménagement du bâtiment.

Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
Les principales difficultés venaient de la distance et de la communication parfois hasardeuse entre les entités. Parfois, lors de mes déplacements à Ankara, il m’arrivait de faire des réunions de plusieurs heures aidée par une traductrice afin d’évoquer tous les détails. Tout était passé au crible, et pourtant la livraison a été un grand moment de surprise. Ainsi des rideaux, par exemple dont il manquait 40 cm de longueur malgré les 3 heures de réunion avec 5 personnes…. Il fallait rester très pragmatique et être prêt à s’adapter à tout instant.

Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
L’appel d’offre a été gagné en septembre 2008, et tout a été livré 2 ans plus tard.

Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
Le Restaurant était prévu comme un snack, d’où ma proposition de tabourets. Aujourd’hui, il va de soi que je dessinerais plutôt des chaises. Par ailleurs, il me semble que je travaillerais beaucoup plus sur l’acoustique du lieu en amont. Cette donnée m’apparaît plus essentielle aujourd’hui que lorsque j’ai commencé à travailler.
Ce qui parfois marque les espaces de designers, c’est le fait que tout est pensé autour des objets, et pas assez à mon sens autour de la notion d’espace comme lieu de vie. En visitant le studio d’India Madhavi, j’ai compris que la chaleur des lieux ne venait pas uniquement des meubles mais aussi des traitements de surface. Il me semble qu’elle parvient à créer une certaine atmosphère car elle aborde les sujets comme une architecte d’intérieur.
Je crois qu’il faut pouvoir intégrer les deux dimensions afin de réussir un espace. C’est un défi qui m’intéresse de plus en plus.

Née en 1976, Constance Guisset a été diplômée de l’ENSCI – Les Ateliers en 2007. Elle vit et travaille à Paris. Elle a été, entre autres, élue Créateur de l’année du salon Maison et Objets 2010, vainqueur des Audi Talents Awards 2010 et Grand Prix du design de la ville de Paris en 2007.

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Quelques images du projet:

Maquettes à échelle réduite.