Designers, un peu d’ambition!
Par Jean-Jacques Urvoy.
L’urgence à agir devrait nous appeler à plus d’innovation, de création. Le design, au sens large du terme: organiser des signes, concevoir, innover,… devrait être un outil privilégié tant pour les PME que pour les grandes entreprises. Mais las… Coincées entre de grandes innovations mondiales comme l’iPhone et la nécessité de parer au plus pressé, les entreprises innovent très peu. Voilà la vérité.
Le développement soutenable, qui devrait être au centre de tout projet, demeure encore pour nombre d’entreprises au mieux un sujet de petit-déjeuner, au pire une exposition dans un musée. La notion d’innovation n’est pas comprise. On n’innove pas en changeant la couleur d’un produit ou en renommant un service existant. Mais qu’est-ce qu’une véritable innovation?
La véritable innovation ne peut plus se comprendre qu’en la raisonnant en termes d’accroissement d’activité. Elle doit amener une véritable valeur ajoutée, c’est-à-dire rendre une marque, une enseigne, un produit, un packaging, bref un “objet de design” incontournable. Je sais pourquoi j’ai un iPhone 4. Je sais pourquoi j’achète Lego Ninjago. Je sais pourquoi j’ai adopté facebook.
Les colloques, les associations ou les écoles qui parlent trop d’innovation deviennent parfois suspectes. En fait, les innovations sont rares. Très rares. Certes, les applications liées à une innovation peuvent être nombreuses à partir par exemple d’un textile aux propriétés nouvelles, d’un matériau nouveau à mémoire de forme, … Mais l’innovation elle-même?
La notion même de benchmarking entraîne parfois une reprise d’idée existante, certes dans un autre univers, mais existante tout de même…
Le nouveau marketing d’innovation s’opère en se projetant dans l’avenir. Il met l’humain au centre de ses préoccupations. Il ne participe plus de plans et de définitions convenues, comme les 4P du marketing (le prix pour un produit ou un service innovant, qui va m’aider et prendre soin de moi n’est plus un facteur déterminant. On parle désormais autant de marketing de services que de marketing de produit. La notion même de distribution et de communication a changé). Il ne se soucie pas des études qualitatives qui, si elles sont mal conduites, ramène l’objet de design à celui qui existait précédemment, plus convenu et plaisant forcément à tout le monde.
Les designers aspirent à créer, à innover. Ils sont souvent tiraillés (je le vois chaque semaine) entre répondre à des normes et des schémas absurdes de l’ancienne vision du marketing, souvent source d’échecs, et leur vision ambitieuse qui tient compte d’un projet d’une façon holistique et systémique, insérant ainsi l’objet de design dans la cité.
Il leur fait alors lutter pied à pied avec de arguments esthétiques, fonctionnels, techniques, mais aussi économiques, sociétaux, philosophiques.
C’est cela, un designer. Les autres ne sont que des repreneurs d’idées. Mais connaissent-ils la différence entre concept et idée?
Cet article est également paru sur le blog de Jean-Jacques Urvoy: jeanjacquesurvoy.com.
le 22 juin 2011 à 8 h 56 min
Bonjour,
Merci pour cet article intéressant quoique peu documenté.
Je partage le constat général sur le déficit cruel d’innovation véritable, mais j’ai par contre été très étonné par votre tirade Iphone 4 + ninjago + facebook.
Trombi.com a existé avant fb dont le concept itself a été en quelque sorte pillé par son médiatique dirigeant, les ninjagos sentent la naphtaline tellement le concept est indigeste et copié sur les beyblades / yu gi ho. L’iphone 4, ok, mais c’est un peu tarte à la crême.
Nous sommes loin en tous cas des grandes innovations « transformatrices » qui changent le monde dans lequel on vit (l’avion, la voiture, le micro ordinateur). Il me semble que l’innovation est parfois un nuage de fumée sensé masqué le fait que nous tournons en rond.
le 22 juin 2011 à 10 h 43 min
Les Français se sont appropriés l’expression: « il faut taper sur le clou qui dépasse ».
Nous sommes envahi par des chefs de communautés dont la seule activité est d’être chiens de garde.
Et supprimer tout ce qui serait trop « innovant ».
le 22 juin 2011 à 15 h 16 min
Je pense qu’on mélange souvent innovation technique ou technologique, et le fait de rendre disponible au plus grand nombre ces innovations, de fait leurs usages. Le designer a peut-être cette force de rendre disponibles, utiles, utilisables, séduisantes, enfin bref tout un lot d’adjectifs, ces innovations souvent issues des laboratoires.
Par exemple, la souris d’ordinateur n’est pas d’Apple mais vient du centre de recherche de Xerox. La force de la marque à la pomme est d’en avoir fait un objet utilisable par tous.
De même avec le Game Boy de Nintendo qui techniquement n’était pas un objet innovant mais dans l’usage oui, ce fut la première console de jeu vidéo véritablement portable (jeux interchangeables, taille réduite, autonomie, etc).
Il y a quantité d’autres exemples bien sûr…
le 23 juin 2011 à 17 h 48 min
@megaprosper: cet article est écrit « live », sans brouillon. Certes, il peut être plus documenté je suis d’accord.
@Alain: vous touchez ici au statut même du designer, qui doit à la fois s’intégrer dans l’économie (de marché), en tout cas dans un certain moule, tout en proposant des aspérités différentes qui ne « plaisent » pas forcément aux manageurs ou aux « consommateurs » qui font qu’on en revienne souvent au point de départ. Seule la conviction permet d’avancer.
@Clément: Bien sûr, c’est pourquoi en plus d’être consultant en design, j’enseigne en université, ce qui me permet de garder un lien avec la recherche. Cf la différence entre concept et idée.
le 23 juin 2011 à 18 h 37 min
Il y a dix ans, j’ai pris des coups parce que je disais que le design était une discipline économique, puis d’autres coups, plus tard, parce que j’ai dit qu’il s’agissait d’une discipline de management… En fait, je l’avoue, il s’agit d’une discipline entrepreunariale… Etre l’entrepreneur du monde de demain, voilà de quoi il s’agit. Alors le designer aura la primauté définitive sur l’ingénieur et le MArketer…
le 24 juin 2011 à 13 h 17 min
Il ne faut pas être pessimiste quant à l’ambition des designers.
Cette semaine, j’ai assisté à une remise de prix récompensant des projets présentés par des étudiants de CREAPOLE, des départements design transport et design produit, en partenariat avec l’entreprise MATRA sur le thème de la mobilité urbaine de demain : vélos, scooters, voitures, utilitaires électriques…
J’ai trouvé des étudiants plus motivés que jamais, dont les projets présentaient de grandes qualités d’innovation et de stratégie et répondaient par ailleurs aux exigences de MATRA en terme de préoccupations environnementales, fonctionnelles et humaines. Une pointilleuse sélection de projets qui s’est faite selon les critères suivants : Service au Client(Innovation/concept), Application(Faisabilité/éco-conception/industrialisation) et présentation(Style/rendu final). Le jury composé du Ministre de la ville, du Président de MATRA et du Cogérent du Groupe LAGARDERE ont décerné le 1er prix au projet « TRI-M » pour sa réflexion sur la mobilité et la livraison dans la ville de demain. Celle-ci a abouti à un concept de Triporteur intelligent et émotionnel qui a tellement enthousiasmé les décideurs qu’ils ont l’intention de le produire. Un début de carrière qui s’annonce très prometteur pour ces jeunes designers !
Je pense donc qu’il ne faut pas être pessimiste quant à l’ambition des designers dans le monde des entreprises et de demain.
le 24 juin 2011 à 14 h 28 min
Oui il s’agit du statut du designer et pour moi cela s’applique de façon large au positionnement du créateur.
Créer c’est innover, sinon c’est copier.
Innover c’est remettre en cause un certain nombre d’habitudes, potentiellement de déranger avant d’enthousiasmer.
Celui qui créé fait œuvre de liberté, il ne peut le faire que si sa position lui permet de « négocier » avec son environnement.
Cela me parait vrai pour les designers, les artistes, les scientifiques, …
La volonté, l’ambition, la croyance en ses valeurs sont des ressorts essentiels.