Les écoles de design: de la création à l’innovation
Par Christian Guellerin.
Dans un contexte socio-économique tourmenté, les écoles de design bénéficient d’opportunités remarquables, celles de former des étudiants qui demain vont occuper des positions stratégiques de management, à la mesure des problématiques d’innovation qui se posent aux entreprises et plus généralement à la société.
Elles ont déjà beaucoup évolué ces dix dernières années et sont au centre de beaucoup d’attention dans de nombreux pays. Mais leur mutation n’est pas terminée: elles seront à l’origine de la création de “centres d’innovation” au service de l’économique et plus généralement de la société.
Les écoles de design sont des écoles de création, et elles ont légitimement formé pendant des années des créatifs, des étudiants à l’aise en particulier sur ce qui fait la spécificité du designer: la représentation – notamment par le dessin – de produits, d’espace, de scénarios de vies avec la conscience que ce qui leur était demandé ne nécessitait pas d’être compris d’emblée, puisqu’il s’agissait d’une création, d’une transgression de la réalité par essence difficilement acceptable.
Pendant des années, le designer s’est volontiers complu dans cette logique qui faisait de lui un “créatif”, à l’inspiration “unique”, qui travaillait seul sur sa planche à dessin et en se protégeant d’autres qui d’aventure auraient pu lui voler ses idées.
Les Ecoles en France en particulier ont encouragé cette approche particulière des “designers créatifs”, des “designers-artistes”. Elles se sont développées en marge de tous les systèmes universitaires et/ou grandes écoles incapables de collaborer à l’émergence de grands projets universitaires de recherche économique et/ou technologique. De même, elles ont peu intégré les entreprises au motif que l’économique et la rentabilité pouvaient aliéner la capacité du designer à créer. De nombreux établissements en France et à l’étranger continuent de fonctionner sur ce modèle. Ils continuent avec succès de produire des “designers artistes” dont certains ont acquis des renommées internationales.
Deux facteurs ont obligé certaines écoles à évoluer vers plus de professionnalisation. La conscience que le design, la création et l’innovation étaient un formidable moteur de croissance et de développement pour les entreprises et l’exigence, nouvelle dans le domaine de l’éducation au design, qu’un établissement ne se jugeait pas seulement à la qualité de ses projets de diplôme, mais plutôt à la qualité des emplois trouvés par les étudiants.
La responsabilité des écoles de design a évolué: il ne s’agit plus seulement de former des “créatifs” mais des “professionnels de la création” – qui sont créatifs – adaptables et évolutifs, conscients des enjeux économiques des entreprises avec lesquelles ils vont collaborer. Ils doivent avoir les aptitudes à travailler avec les autres, les ingénieurs, les marketers, les financiers et y joindre les philosophes, les sociologues, les artistes avec qui ils ont l’obligation de partager leurs idées, pour mieux les enrichir. Le design est devenu une discipline de management de projet au moment où l’innovation est stratégique pour les entreprises et la société.
Les étudiants designers ont dû apprendre l’entreprise en même temps qu’ils ont appris le partage, la collaboration, l’équipe et la nécessité du travail en commun.
Le design, discipline de création et dont les éducateurs avaient encouragé le travail individuel, est devenu une activité collective et transversale de résolution de problématiques socio-économiques complexes. Le designer est un manager de projet. Au sein de l’entreprise, il est devenu le moteur d’une réflexion collective sur les nouveaux produits, les nouveaux services de l’entreprise, sur son image, sa marque, sa culture mêlant tactique et stratégie.
Cet apprentissage de la nécessité de partager ses idées, aussi évidente qu’elle puisse paraître, a été une révolution dans l’apprentissage et dans la conscience des designers. Elle change radicalement la nature de l’enseignement des écoles et leur responsabilité.
De l’innovation à un nouvel entrepreunariat
L’opportunité de travailler transversalement avec les entreprises et d’autres disciplines universitaires entraine une responsabilité nouvelle, celle de créer et de produire de l’objectif, du réalisable et du rentable.
Il ne s’agit plus de se contenter d’imaginaires, mais bien de faire de ces imaginaires des scénarios viables, des produits et des services industrialisables et consommables par le marché. Si la création peut et doit justifier la subjectivité de son auteur, en revanche l’innovation doit s’accompagner de l’assurance que les projets sont viables. Devant cette exigence, les Ecoles de design, conscientes de leur responsabilité, vont devoir se transformer en centre d’innovation, celle-ci se justifiant par son caractère objectif et reproductible. Elles vont devenir les “centres d’expérimentation” dont les écoles d’ingénieurs ont besoin pour représenter les scénarios d’utilisation de la technologie et la rendre ainsi moins suspecte. De même les écoles de commerce y verront l’opportunité de revenir à une approche de la conception de produit qu’elles ont bien souvent abandonnée au profit d’un marketing de distribution ou bien de recherches fondamentales sur le marketing peu en phase avec le besoin des entreprises.
La dérive académique imposée par le classement de Shanghai des meilleures universités va devoir être compensée par un retour à la vocation des écoles de commerce, à savoir la gestion des entreprises.
Les écoles les plus pertinentes ont déjà créé leurs laboratoires d’expérimentation, leurs “design factories” ou bien deviennent les laboratoires annexes d’entreprises. Des écosystèmes vertueux recherche formation entreprise structurent déjà les Masters de design qui multiplient les croisements, les double-diplômes et l’approche multiculturelle.
Dès lors l’ère de l’entrepreunariat est annoncée. Plus les projets seront viables, plus les étudiants seront tentés de les développer réellement et ne laisseront pas à d’autres l’opportunité de le faire. Un nouveau critère de qualité va apparaître pour les établissements de création les plus performants. Le pourcentage d’étudiants qui créent leur entreprise autour des produits qu’ils ont imaginés pendant leur cursus va être déterminant.
Plus les démarches d’innovation seront pertinentes, plus les étudiants vont devoir le prouver et faire “le grand saut” de la création d’entreprises. Dans certaines écoles déjà – à l’Ecole de design Nantes Atlantique notamment – près de 40 % des étudiants de 4ème et 5ème années bénéficient du statut d’auto-entrepreneurs. L’objectif est la création d’entreprises pour les étudiants qui en auront les capacités et l’envie. La mise en place de “centres d’incubation” est programmée.
Au moment où les universités de gestion et d’économie ont peine à comprendre la crise, où les écoles d’ingénieurs doivent justifier le progrès, les écoles de design pourraient devenir les “centres d’innovation“, les centres de recherche expérimentale dont les entreprises ont besoin pour les aider à réfléchir objectivement et différemment. Il y a là un enjeu social et économique majeur dont les pouvoirs publics doivent prendre conscience, un enjeu international alors que la création française rayonne à l’étranger.
Les écoles de design françaises bénéficient d’atouts que les autres n’ont pas: elles sont assises sur une culture de la création reconnue dans le monde entier. Etre designer français a une résonnance planétaire dont la France et les territoires doivent profiter.
le 30 août 2011 à 9 h 30 min
« La dérive académique imposée par le classement de Shanghai des meilleures universités va devoir être compensée par un retour à la vocation des écoles de commerce, à savoir la gestion des entreprises. » Je vous encourage à aller jeter un oeil sur l’article relatif, dans wikipedia. Nous y apprenons que le classement de Shangai s’appuie sur 6 critères . le premier? Le nombre de prix nobel et de médaille fields parmi les anciens élèves. Ce classement ne concerne pas le design ni aucune discipline non-scientifique.
« Ils doivent avoir les aptitudes à travailler avec les autres, les ingénieurs, les marketers, les financiers et y joindre les philosophes, les sociologues, les artistes avec qui ils ont l’obligation de partager leurs idées, pour mieux les enrichir. »
Des marketers, ingénieurs financier il y en a plein les agences. Dans mon activité professionelle (pourtant dans le domaine de « l’innovation »), il ne m’est jamais arrivé de travailler avec un philosophe ou un « vrai » sociologue, ni un artiste. Vous mettez au même niveau ces professions pour propager l’idée que l’économie de l’innovation est ouverte à tous. C’est un mensonge. Il n’y a pas de place pour les artistes et les philosophes dans l’économie de l’innovation, si ce n’est avec ceux qui reprennent à leur compte le discours dominant sur la technologie.
« Les étudiants designers ont dû apprendre l’entreprise en même temps qu’ils ont appris le partage, la collaboration, l’équipe et la nécessité du travail en commun. »
Alors on apprend la même chose chez Dassault que dans une communauté trotskyste autogérée. Sérieusement, cela fait bien longtemps que les designers travaillent en équipe, au sein de teams créatifs et avec les département marketing, R et D.
« Elles vont devenir les “centres d’expérimentation” dont les écoles d’ingénieurs ont besoin pour représenter les scénarios d’utilisation de la technologie et la rendre ainsi moins suspecte. »
Nous y voilà. Dans votre modèle, le design n’est pas vraiment force de proposition. Il est là pour habiller et rendre acceptable la technologie.
J’ai lu et apprécié plusieurs de vos articles dans la revue du design (tous excellemment écrits). Mais ce discours dominant, omniprésent, sur le design et les écoles commence à devenir rébarbatif, de même que ces prédictions auto-réalisatrices.
Je pense que le type de monde que vous imaginez est une énorme impasse, une survivance maquillée du vingtième siècle. C’est justement à la construction de véritables alternatives que doivent s’atteler les futurs designers. C’est à cela que servent les « écoles ».
Quand à la « réalité » (celle du marché, de l’emploi), ne pensez-vous pas qu’elle nous pousse bien assez tôt vers l’entreprise et la technophilie ambiante?
le 31 août 2011 à 6 h 04 min
Bjr Pierre,
Merci pour le débat. Je crois que vous avez raison sur la plupart de vos remarques, si ce n’est que je ne suis absolument pas « technophile ». Je dis simplement que la défiance à la technologie va servir les écoles de design pour sortir de la gangue artistique où les écoles d’ingénieurs et plus généralement le « sens commun » les avait cantonnées. Pour autant je ne suis pas technophile.
Bien sûr que cela fait bien longtemps que les designers travaillent en équipe dans les teams créatifs des grandes entreprises. Mais, mon propos témoigne de l’évolution de l’apprentissage dans les écoles où traditionnellement le travail en équipe n’était pas valorisé au profit d’une démarche individuelle de création.
Quant à la « construction d’alternatives » je suis entièrement d’accord : il s’agit bien de la responsabilité des écoles que de mettre les étudiants en condition de les envisager.
Je continue à penser avec détermination que les écoles de design ont une responsabilité à « changer le monde », en particulier compte tenu de toutes les contraintes que nous impose la réalité.
Je suis de nouveau d’accord avec vous sur la réalité du marché qui nous pousserait vers l’entreprise bien top tôt. Néanmoins, vous conviendrez que la situation actuelle relative à l’emploi nous oblige à être vigilant sur le sujet.
Quant à « Alors on apprend la même chose chez Dassault que dans une communauté trotskyste autogérée. », il y a du Audiard là-dedans….
Merci encore pour ce débat. A suivre j’espère à l’occasion d’autres publications.
le 31 août 2011 à 11 h 33 min
« Quant à la « construction d’alternatives » je suis entièrement d’accord : il s’agit bien de la responsabilité des écoles que de mettre les étudiants en condition de les envisager. »
C’est pour cela que l’entrepreunariat dont vous parlez est intéressant, parce qu’il s’agit, je l’espère, d’un nouvel entrepreunariat plus responsable et moins soumis au marché.
le 31 août 2011 à 18 h 02 min
Il est intéressant la façon dont vous éludez cette question : « De même, [les écoles] ont peu intégré les entreprises au motif que l’économique et la rentabilité pouvaient aliéner la capacité du designer à créer. »
Je suis étudiant en école d’architecture et je commence justement à me questionner sur l’absence d’exercices « concrets » basés sur des demandes d’une maîtrise d’ouvrage réelle ; un contexte tangible (données humaines, données économiques, données du site et du programme). Effectivement, j’ai le sentiment que les écoles devraient se rapprocher des entreprises et du contexte économique qui sera celui de notre future pratique (car contrairement aux designers, d’après ce que vous semblez dire, l’étudiant architecte ne peut exercer avant son diplôme).
La question qui m’intéresse est donc « faut-il que les étudiants se confrontent à un contexte réel pendant leurs études ? ». Autrement dit, l’école est-elle une bulle hors de la société et de son économie, ou bien fait-elle partie de la société ? Vous proposez clairement un modèle qui penche vers la seconde solution (« produire de l’objectif, du réalisable et du rentable »). Tous vos arguments sont crédibles, et, comme le souligne Pierre en parlant de «prédictions auto-réalisatrices», ce modèle d’une école qui bascule dans le monde du travail semble s’inscrire dans la logique de l’évolution actuelle de la société.
Cependant, en lisant votre article qui pousse très loin cette embrassade entre enseignement et professionnalisation, j’entrevois des perspectives qui pourraient m’effrayer. Qu’est-ce qu’une école ? N’est-elle qu’une porte à franchir pour avoir du travail ? D’ailleurs, que vaut le diplôme de designer dans votre proposition ? Si on va à l’école pour trouver du travail, pourquoi aller à l’école ? Non, l’école n’est pas qu’un magasin à diplômes. L’école n’est pas une usine à fabriquer de la «ressource humaine». La responsabilité d’une école de design ou d’architecture n’est pas de former des designers embauchés mais des designers responsables. Comme dit Pierre, le design ne doit pas servir à «habiller et rendre acceptable la technologie». Ou alors on revient au premier problème des designers «artistes» sauf qu’ici, les designers (ou architectes) artistes n’imposent plus leur vision mais ne font que signer et rendre acceptable la vision qu’on leur impose.
Enfin, et surtout, ce que vous n’écrivez pas dans votre article c’est qu’une école est (peut-être même avant tout) le lieu et le moment ou l’étudiant se construit, comme professionnel donc, mais aussi comme homme. Je n’imagine pas que « l’économique et la rentabilité [puissent] aliéner la capacité du designer à créer » mais sûrement sa capacité à se construire. C’est peut-être pour ce rôle émancipateur que l’école se doit de garder ses distances vis-à-vis du monde de l’entreprise. Permettre à l’étudiant d’évoluer, pendant plusieurs années, hors d’une demande exclusive «d’objectif, de réalisable et de rentable» ? Et pourquoi pas en profiter pour réfléchir aussi au sens, à la vision et au contexte ?
Donc oui, l’école doit être intimement liée avec les pratiques professionnelles auxquelles elle forme, oui elle doit pouvoir s’inscrire, d’une façon ou d’une autre, dans le tissu de la société, elle doit s’y faire une place. Mais tout cela ne devra jamais nuire à la fonction éducative de l’école, car autant que préparer des professionnels, l’école éduque des hommes.
le 31 août 2011 à 18 h 58 min
Le souci de la professionnalisation est parfaitement légitime. Ce qui ne l’est pas c’est d’avoir négligé cela pendant des années en se réfugiant derrière un discours refusant l’entreprise. C’est cela qui a conduit en France à la non-reconnaissance du design en entreprise.
Une école c’est fait pour épanouir, je suis d’accord, mais pourquoi vouloir opposer l’épanouissement à la pratique professionnelle…comme si il était évident que l’un est détruit par l’autre.
Michel Ange aussi avait des contraintes de budget….
le 31 août 2011 à 19 h 25 min
« Il est intéressant la façon dont vous éludez cette question : « De même, [les écoles] ont peu intégré les entreprises au motif que l’économique et la rentabilité pouvaient aliéner la capacité du designer à créer. »
J’ai écrit de nombreux articles sur ce sujet : la capacité du designer à créer ne doit pas être aliéner par la rentabilité, au contraire cette contrainte -comme d’autres- doit justement lui permettre de faire preuve de créativité. C’est souvent ce qui se passe.
Et, par ailleurs, de nombreux projets dans les écoles sont à des perspectives de temps si éloignées qu’on s’affranchit heureusement des contraintes économiques parce qu’elles n’auraient pas de sens.
Je suis d’accord avec votre propos mais je n’oppose pas l’épanouissement des étudiants à la professionnalisation. Celle ci est un paramètre qui entre dans l’éducation mais n’est pas exclusif de tous les autres. Et je maintiens qu’il a longtemps été négligé au profit d’un discours sur la création qui réfute l’économique. Je crois qu’il faut cesser d’opposer les disciplines, comme il faut cesser d’opposer au lycée les littéraires et les matheux…
Plus que la professionnalisation, c’est l’entreprreunariat qui m’intéresse dans cet article, car il y a là un formidable vecteur d’épanouissement dans l’aboutissement de ses projets pour l’étudiant. Imaginez qu’on vous permette de faire vraiment ce que vous avez imaginé pendant vos études, c’est ça le modèle que l’on doit défendre.
Et ça, c’est épanouissant.
Merci de votre réflexion sur le sujet.
.
le 31 août 2011 à 20 h 30 min
Il serait , à mon avis, utile d’introduire deux variables dans vos analyses:
1° Depuis 2002 l’Université est en charge de contrôler et poser les conditions pour l’obtension du diplôme de designer. Alors que les universitaires ont toujours refusé l’essence du design et ne l’ont jamais compris.
Et de fait, la piéce centrale d’un diplome de design est un mémoire écrit et non plus un projet dessiné.Le projet n’est plus qu’accessoire, prétexte. Et l’encadrement et la composition du jury est et sera de plus en plus fait d’universitaires.
La directrice des Arts Déco est une lettrée. Sans connaissance de la tecnhnologie, du marketing, du dessin. Sans connaissance des cultures et pratiques des entreprises.
Dans ces conditions les débats sur les équilbres entre les techniques, le réalisme,un métier, les entreprises, la création…ne me semblent plus devoir être considérés comme à l’ordre du jour. Plaisants mais dépassés.
2) « La culture dominante » n’est pas un mot creux, un exercice spirituel, une occupation de salon. « La culture dominante » a des pratiques, des moyens…La culture dominante n’est pas virtuelle elle est active et prédatrice. Elle n’est pas d’ouverture mais de fermeture.
Qui prétendrait créer cette école que vous décrivez, se heurterait a cette culture dominante:
Ces etudiants.
Ces professeurs.
Ces écoles existantes.
Ces Ministères de la Culture, De l’industrie, de la Sorbonne…
Ces journalistes lettrés.
Ces relais d’opinions, syndicats, associations…
Cette culture dominante broyeuse et prédatrice ne permettra jamais à ce type d’école que vous décrivez d’exister et survivre.
Ce qu’une entreprise peut faire par l’indépendance que lui donne ses produits. Une école ne le peut. C’est vérouillé.
Ce genre de sujet n’est que incantatoire.
le 31 août 2011 à 21 h 58 min
Bonjour,
Merci pour la mise au point sur la technophilie
Les responsabilités d’une école à assurer à ses étudiants des « débouchés » est bien évidemment à prendre au sérieux. A cette responsabilité s’ajoute, comme l’explique Christian, un classement informel des écoles en fonction du nombre d’étudiants qu’elles arrivent à caser dans les grands groupes ou au sein des agences « qui comptent ».
Les questions que posent cet article sont structurantes du débat sur le design et son enseignement.
Thierry évoque une société d’entrepreneurs « plus responsables et moins soumis au marché ». L’orientation de notre économie industrielle vers une économie de l’innovation implique des transformations sociales positives. De nombreux décideurs, convaincus par ce discours, pèsent dans cette direction.
La société industrielle concernait une large partie de la population française.
Est-ce que l’innovation technologique est une passion partagée par des millions de personnes? Je ne le pense pas. Elle concerne certaines catégories socio-professionnelles.
A ce titre, quel espace réserve-t-elle à ceux qui s’en désintéressent, ou qui s’y opposent?
Une des missions fondamentales des écoles de design consiste à laisser les agitateurs, artistes, poètes ou ébénistes recevoir en paix un enseignement de qualité. Sans leur forcer la main dans leurs orientations professionnelles.
Si « l’innovation » existe, c’est d’eux qu’elle émanera. Et pas forcément des étudiants qui, malins, auront compris que les mots « démarche centrée usages », « innovation participative », « pôle de compétitivité » sont autant de passeports pour les premières loges de la société technocratique.
le 1 septembre 2011 à 11 h 05 min
« A ce titre, quel espace réserve-t-elle à ceux qui s’en désintéressent, ou qui s’y opposent?
Une des missions fondamentales des écoles de design consiste à laisser les agitateurs, artistes, poètes ou ébénistes recevoir en paix un enseignement de qualité. Sans leur forcer la main dans leurs orientations professionnelles. »
Je suis d’accord.
« Comment concilier l’apprentissage de la création (imaginaire, poète…)et celui de l’innovation(réalité, concret…) », c’est cela le sujet ou comment faire que l’un se nourrisse de l’autre sans jamais s’exclure définitivement.
le 4 septembre 2011 à 9 h 11 min
Voilà l’objectif de ces écoles? Former des ébénistes, des poétes, des artistes… sans trop les fatiguer! Et après demander aux entreprises auxquelles ils n’ont pas été préparés de les reconnaître comme des génies avec des salaires de cadres supérieurs.
A quand des obligations, des contraintes et des primes pour obliger les entreprises à employer des ébénistes et des bricoleurs du dimanche à salaires de cadres?
le 4 septembre 2011 à 12 h 56 min
@marc
je me suis mal exprimé. Les écoles de design n’ont pas vocation à ne former que des poètes/ébénistes. Mais elles doivent laisser de l’espace pour des personnes et des pratiques différentes.
Les designers « préparés » ont déjà leur place dans les entreprises que vous décrivez.
Les designers « non-préparés » n’ont pas forcément pour objectif d’aller travailler dans ces entreprises.
Je les imagine plutôt entrepreneurs, artisans ou professeurs.
Tous les designers ne partagent pas forcément le rêve de devenir « cadres supérieurs ».
le 4 septembre 2011 à 17 h 25 min
@pierre;
Mais tu as raison! Les écoles n’ont pas cette vocation. Mais c’est ce qui se passe.
Je suppose qu’il est plus facile de laisser les étudiants « progresser » dans la poésie, le bricolage, l’ébénisterie…La démagogie est plus facile et reposante que la pédagogie pour faire entrer les étudiants dans la réalité.
C’est aussi plus facile de les convaincre qu’un épanouissement individuel sans prise en compte les contraintes est le « bon et morale design ». Les étudiants n’attendent que cela je suppose.
Ils seront mêmes formatés à ne pas aimer les entreprises et l’image qu’on leur en donne.
Et ils deviendront bricoleurs, ébénistes, autoentrepreneurs ( c’est ce que tu appels entrepreneur) fonctionnaires (cela devient bouché) professeurs….Et ils travailleront à un projet personnel qui sera présenté dans un blog de copains.
Et ils reprocheront aux entreprises de ne pas comprendre le design. Convaincus qu’ils ont des idées ( les meilleurs des meilleurs) et qu’il faut investir pour des millions.
Et ils deviendront professeurs qui reproduiront leurs échecs.
le 4 septembre 2011 à 22 h 32 min
Je vous renvoie à mon commentaire précédent,
Bonne soirée.