Interview: Christophe Pradère
Nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui une interview de Christophe Pradère, CEO de BETC Design.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel?
J’ai une double formation: commerce et design. J’ai commencé mes études dans une école de commerce, spécialité marketing en France tout d’abord, puis à Berkeley aux Etats-Unis, et enfin en Asie (Japon et Chine). J’ai ensuite intégré la Domus Academy de Milan, où je me suis spécialisé dans le design et le design management.
Cet apprentissage international m’a permis d’aborder mon métier sous un aspect multiculturel.
Par la suite, j’ai travaillé deux ans en Asie comme responsable marketing et design packaging pour une marque d’hygiène/beauté.
De retour en France, et après une mission de planeur en agence de design packaging puis de chef de projet dans une agence d’architecture, j’ai rejoint le Groupe Euro RSCG pour prendre en charge l’activité consulting et j’y ai développé les activités design retail et design corporate.
Enfin, en 2000, j’ai repris l’agence Absolut Reality, je l’ai fusionné avec BETC et l’ai rebaptisée BETC Design en 2006. Aujourd’hui, je suis CEO de BETC Design et membre du Comex de BETC Groupe.
Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment?
En ce moment je travaille entre autres, avec mon agence, sur trois projets:
- sur le design global d’une marque d’alcool: la refonte de ses codes identitaires globaux, ses codes graphiques, volume et retail;
- sur la refonte du design global et stratégique de la marque de cosmétique asiatique Holika Holika (de sa stratégie de marque à l’élaboration de son identité globale);
- sur la direction artistique globale de Roland Garros: intervention créative directe et/ou collaborative avec d’autres agences spécialisées sur le développement de la marque pour la préparer au mieux à une stratégie d’internationalisation.
Combien de personnes compte votre agence?
Nous sommes environ 35 personnes: pour moitié créative et le reste stratégique et commerciale (management de projets et design prospectif).
Quelle est votre méthode de travail habituelle?
Pour chaque projet qui nous est confié, nous avons une double approche :
- nous croisons marketing et sciences humaines (étude anthropologique et sociologique);
- nous développons une approche à la fois technique et opérationnelle, et nous accompagnons les projets créatifs jusqu’à exécution.
Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels?
Je fréquente deux sites internet consacrés au design: Admirable design et Withdesigners.
Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien?
En premier lieu, je citerai ma mère, qui m’a designé. En deuxième lieu, les gens au quotidien.
Charles Eames et Eero Saarinen pour leur vision, Philippe Starck pour son agilité, mais aussi Dan Flavin et dans un autre registre Le Titien, Jeff Koons ou encore Jean Giraud et Nobuyoshi Araki.
Mes sources d’inspiration sont hybrides, elles croisent différentes pratiques: le design, la photo, la peinture, les installations, la bande dessinée. Certaines personnalités m’ont marqué précisément plus que d’autres.
S’il y avait une chose à changer dans le design?
Sur le marché français du design, il y a selon moi un manque de considération de la contribution du design à la valorisation financière d’une marque ou d’une entreprise.
En effet, aujourd’hui encore, le design est évalué et donc payé par rapport à sa valeur productiviste soit industrielle soit commerciale. Or la valeur d’usage du design transcende la fonction. Certains pays et cultures l’ont compris, mais la France pas suffisamment.
Quelle est la commande que vous aimeriez vous voir confier?
J’aimerais beaucoup travailler sur le design global d’une marque de luxe nouvelle, issue d’un pays émergent. Dans l’idée de révéler toute la valeur d’universalité des particularismes culturels forts de ce pays.
De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui?
Oui, notre métier est enviable car il représente par essence un travail d’humanisme, à la fois du penseur mais aussi d’artisan, lié à des pratiques et des savoir-faire. C’est donc un métier qui relie « dessin » et « dessein », et qui permet d’être expert en s’affranchissant de l’obsession économique de notre monde à générer des profils spécialisés et seulement spécialisés.
Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous?
Un livre: La Puissance d’un mythe, de Joseph Campbell.
Un film: La légende de Musashi, de Hiroshi Inagaki, avec Toshirō Mifune.
Un site internet: Art Skills, un site intéressant avec quelque belles trouvailles et un intérêt marqué pour le motion design!
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Quelques projets de Christophe Pradère et de son agence:
Badoit: refonte du logo et des packagings.
Mobo: création pour Orange du premier conteneur de mobiles intelligent: Mobo, qui révolutionne la collecte des téléphones mobiles usagés.
P&G: Création d’un système merchandising pour implanter les colorations pour cheveux de la marque en Chine.
Zeiss: Création d’un coffret/écrin autour d’un rituel d’ouverture: les deux moitiés coulissent pour laisser apparaître en son centre les différents compartiments.
Chivas: Création d’un écrin en édition limitée pour les fêtes de fin d’année.
Louis XIII Jeroboam: réalisation d’un coffret aux allures de caisse de transport ultra-chic dont le matériau principal le chêne rappelle le chêne des tierçons de cognac.
Pour en savoir plus: www.absolut.fr.
le 4 avril 2012 à 8 h 39 min
« Oui, notre métier est enviable car il représente par essence un travail d’humanisme, à la fois du penseur mais aussi d’artisan, lié à des pratiques et des savoir-faire. C’est donc un métier qui relie « dessin » et « dessein », et qui permet d’être expert en s’affranchissant de l’obsession économique de notre monde à générer des profils spécialisés et seulement spécialisés. »
OK, mais ce n’est pas VOTRE métier (d’ailleurs un manager n’est pas/plus un designer). Et le « design » packaging n’a rien à voir avec le design industriel (= LE design, en étant un peu provocateur) et sa vocation mercantile ET humaniste (les 2 ensemble, faut pas rêver). Voilà ce qui arrive en mettant le mot design à toutes les sauces…
le 5 avril 2012 à 10 h 31 min
Donc le « VRAI » design, c’est le design industriel?….Humm cela mérite réflexion et méditation…L’emballage d’un produit, son « packaging » doit donc rester un vulgaire bout de plastique sans intérêt, et doit continuer à ne plus être adapté aux réels enjeux écologiques et économiques de demain. Quel est le vrai rôle du designer si ce n’est proposer un regard différent (croisé et multiculturel) et une réflexion prospective sur le monde dans lequel il vit. Et QUI peut exercer ou ne pas exercer le métier de designer?… Voila pleins de questions fort intéressantes!
le 5 avril 2012 à 12 h 44 min
La volonté du designer qui montre un minimum d’éthique doit se porter sur la durabilité de son produit, un « bon » produit, donc qu’on souhaite conserver dans la durée. Le packaging, c’est du jetable, ce n’est pas utilisé, ce n’est que vendu, c’est inérant à un mode de commercialisation, antivol, etc… Amazon propose parfois de le supprimer dans ses envois. C’est un bon début, mais ya du boulot.
On est obligé d’avoir un packaging, la plupart du temps. On s’en passerait volontiers.
Qui peut exercer le métier de designer? Le problème n’est pas de faire du design, mais de se dire designer.
« L’emballage d’un produit, son « packaging » doit donc rester un vulgaire bout de plastique sans intérêt, et doit continuer à ne plus être adapté aux réels enjeux écologiques et économiques de demain. » Quel rapport avec la choucroute?
le 9 avril 2012 à 19 h 34 min
Si on enlève la forme, il reste le fond? Le designer ne s’occupe que du fond?
Il ne va bientôt plus rester grand chose sur notre planète si on ne garde que le fond!
le 10 avril 2012 à 8 h 06 min
Le pack n’a rien à voir avec la forme et l’utilisation de l’objet (sauf cas rarissimes où le packaging est recyclé directement dans l’utilisation de l’objet – ce qui restent des expériences sans suite car inesthétiques et gadget). Mais au fond, à quoi sert-il au juste?
le 23 mai 2012 à 18 h 24 min
Le design (industriel) est né avec une dimension sociale, aujourd’hui encore certains cherchent à perpétuer ce « engagement ». Cela peut donc passer par le packaging au travers d’une vision globale du produit. Même si là (ci dessus) c’est vrai que ça calme… Mais bon il faut bien bouffer et puis designer pas designer… regardez même la mère de Christophe Pradère est designer! C’est lui qui le dit!