• Les Ecoles de design, nouveaux territoires d’incubation

    Par Christian Guellerin.

    Les économies occidentales sont à la recherche d’un nouveau souffle. Si les états cherchent aujourd’hui à endiguer la crise de la dette ou bien à sauver les banques de la faillite, c’est bien sur le terrain des entreprises et de leur compétitivité que tout va se jouer. La globalisation et la concurrence de nouvelles économies émergentes a conduit à une totale réorganisation économiques à l’échelle de la planète et comme aurait dit Adam Smith à une nouvelle ère de « division du travail ».

    « Made in China, Made in India » est devenu la norme, pour le bonheur des consommateurs soucieux d’avoir les meilleurs produits au meilleur prix. A qualité égale, qui envisagerait en effet d’acheter plus cher au motif que le produit est fabriqué près de chez lui? Seule la démagogie de certains politiques pourrait tenter de nous faire croire le contraire. Y a-t-il un avenir à nier l’évidence?

    Poussées par les intérêts économiques les entreprises industrielles occidentales se délocalisent vers la Chine, l’Inde ou d’autres pays pour rester compétitives. Il semble que l’avenir de l’assemblage ne soit plus à l’Ouest. Si les mesures de protectionnisme semblent difficiles à engager pour éviter les délocalisations, on peut néanmoins espérer que l’augmentation probable des coûts de l’énergie et du transport ainsi que l’amélioration du niveau de vie et de la protection sociale des ouvriers – et donc leur coût – vont peu à peu endiguer cette fuite. Mais à quelle échéance? C’est aujourd’hui que nous avons besoin de sauver nos emplois.

    Les paradigmes industriels et Marketing sur lesquels se sont bâtis les économies occidentales sont en train de muter et il serait vain d’essayer de s’accrocher à des références de gestion qui datent de la révolution industrielle du XIXe siècle pour les uns, des années 50 pour les autres. Pour beaucoup d’entreprises occidentales, il ne s’agit plus tant de faire de mieux en mieux ce qu’elles savent faire, mais d’être en capacité permanente de toujours faire autre chose avec ce qu’elles savent faire.

    Il faut que la capacité à innover, à muter, à changer de métier soit inscrite au cœur même de la stratégie de l’entreprise. Il faut développer la capacité à la « flexibilité innovante », en faire un déterminant stratégique du développement et de la pérennité de la structure. Il faut passer de l’ère de la gestion industrielle et celle de l’entreprenariat innovant.

    C’est la création et l’innovation qui vont sauver les entreprises industrielles des économies occidentales et leur permettre de restaurer leur valeur ajoutée. C’est par la recherche, l’innovation, le sens et les valeurs véhiculées par l’image de marque que l’on va restaurer les marges et la compétitivité des entreprises.

    De même, l’ère du numérique et de la relation immatérielle se substitue peu à peu à l’ère de la publicité, devenue suspecte puisque par nature elle s’enorgueillit de nous faire acheter des produits dont nous n‘avons pas besoin. Le marketing change d’outils, voire de nature. L’économie de la contribution pousse celle de la consommation vers la retraite.

    La recherche, la création, l’innovation sont inscrites au cœur même du métier de designer. Si l’ingénieur était l’homme de l’industrie, le marketer celui de la publicité, le designer pourrait être celui de la mutation industrielle et du marketing, celui de l’entreprise innovante et flexible. C’est sur sa compétence à concilier la création et l’innovation, les imaginaires et la réalité socio-économique, à donner du sens que va se jouer la restauration des marges des entreprises occidentales. Sa capacité à projeter l’avenir et les mutations sera par ailleurs une des données fondamentales du management du changement.

    Partout dans le monde, les écoles de design se développent, et sont soutenues par tous les politiques conscients des enjeux. Ce développement s’accompagne de la création de « centres de design » de « design lab », ou de « design factory ». Au-delà de leur devoir d’éducation, les écoles de design ont donc vocation à devenir des centres d’innovation permettant la mutualisation des compétences des chercheurs de tous les domaines et des entreprises. Ces centres d’innovation multidisciplinaires sont les nouveaux territoires d’incubation d’où vont émerger les industries de l’avenir.

    Les écoles et les universités de design vont être les porteurs de sens des territoires sur lesquels elles sont implantées. Elles vont être les garants d’une nouvelle réalité industrielle qui passe du « Made in » au « designed by ». Car l’enjeu est bien là pour restaurer la compétitivité des entreprises occidentales. Pour de nombreuses entreprises occidentales, La marque, les valeurs – « là d’où on vient » – le sens, au même titre que la capacité à innover vont avoir la primauté sur les normes de qualité, la productivité, le rendement. L’exemple d’Apple est patent: « Designed by Apple », « Assembled in China », pour une entreprise qui change de métier tous le 5 ans. « Avant d’être quelqu’un, on vient de quelque part » nous montre Apple, qui a fait de sa marque un des principaux vecteurs de sa valeur ajoutée.


    5 commentaires

    1. emmanuel gallina dit:

      Marchons, marchons!
      Le workshop « Marchons, marchons » que l’Esad de Bordeaux m’a chargé de mettre en place s’inscrit exactement dans cette logique au coeur d’un secteur (la chaussure) qui a beaucoup souffert de la concurrence asiatique:
      Le partenariat Politecnico de Milan & Esad Bordeaux a pour objectif de replacer la créativité au centre de l’industrie de la chaussure en Aquitaine!
      Pour plus d’infos: http://www.marchons-marchons.com

    2. Pierre jacques dit:

      Regardons un peu le nom des écoles:
      Ensci: Création industrielle.
      Ecole du design de Nantes.
      Strate école du design industriel.
      Créapole-Esdi anciennement école supérieure du design industriel.

      Elles restent quand même bien ancrées dans le monde design industriel étroit. Excepté Créapole qui a préféré, il y a 20 ans, Crea-Pole à design industriel.

      Oui, il y a des tendances de transversalité. Mais ce sont avant tout des actions de communication. Une démarche habituelle tendant à montrer l’ouverture vers les autres métiers. Mais rarement suivies d’effets en profondeurs. Nous pourrions dire: c’est juste de la politique!
      Il en est de même pour l’ouverture internationale jusqu’à dernièrement: des opérations de marketing et de publicité sans réélles influences sur l’enseignement et les pratiques du design Français.
      Peut-être cela va-t-il changé: Strate collège a été racheté par un fond de placement lié aux grands magasins C&A. Etre dirigé par des managers et des marketeurs de la grande distribution peut avoir des conséquences intéressantes.
      De son côté Créapole aurait racheté une école à New York. Associé au fait qu’elle est très proche d’écoles japonaises pourrait avoir des conséquences en profondeur sur la formation des étudiants qui sortiront de cette école.
      Dans les deux cas sera pourrait être plus profond que de simples opérations de communication.
      Attendons pour voir!

    3. Nicolas Stadler dit:

      Je trouve cela bien prétentieux de dire que c’est la création et le design qui va sauver l’économie occidentale. Oui, la créativité est un levier de compétition, mais nous ne sommes pas les seuls à l’utiliser. L’article sous entend que la Chine et l’Inde ne font que produire et ne pensent pas. Mais à mon avis, d’ici très peu de temps, les écoles chinoises et indiennes vont rappeler à nos écoles qu’elles font aussi bien et qu’en plus elles disposent de l’outil industriel et du marché.
      Et l’exemple d’Apple, est à mon sens très très mauvais. Le problème présent aujourd’hui en occident, c’est l’affaiblissement de l’industrie, pas du tertiaire! Et Apple n’a aucun site industriel aux USA, ils sont tous en Asie. De même pour l’industrie automobile, qui est LE secteur où le design a toute sa place et où l’innovation est la clef de voute des marques. Que ce soit Renault ou Ford, les centres de recherche sont en occident mais ensuite…

      Je ne pense vraiment pas que le design soit la solution, ce n’est d’ailleurs pas son but premier. Bien sûr, il faut rester créatif et innovant pour être concurrentiel, mais il ne faut pas oublier que les autres aussi peuvent l’être et à moindre coût! Qui ne voit pas d’élèves chinois dans ses salles de classes? Ces jeunes se forment chez nous pour mieux appliquer leurs connaissances chez eux, et ils auraient tord de se priver!

      Attention, ne nous croyons pas meilleurs que les autres, cela nous a déjà fait défaut. Vous essayez de promouvoir le design en lui donnant des vertus qu’il n’a déjà plus. L’émergence des designers asiatiques est forte et inéluctable. Je crois que seules des réorganisations politiques pourront amener une solution aux problèmes que vous soulevez, désolé.

    4. BERNARD dit:

      La liste est longue, les théories en constat,comme souvent… les actes plus rares. Pour ma part , en tant qu’ancien étudiant de Créapole et après un troisième cycle en master management j’avoue que toutes ces idées existaient déjà dans mon enseignement à Créapole. Au moins ce qui me rassure, c’est de découvrir que ma formation et ses applications étaient bien dans leur temps, celui des designers qui anticipent le futur, préparent les virages importants en lisant les tendances et qui ont su apprendre à découvrir leur mode opératoire dans l’action… car l’action ,c’est bien de cela qui nous anime non?..merci de m’avoir permis de revisiter ces théories que j’ai eu la chance d’appliquer à l’école il y a quelques années, … J’avoue c’était en 2003, Bonne continuation

    5. waldezign dit:

      Ceux qui souhaitent assimiler Design et Marketing n’ont rien compris au métier.
      Le designer se place du côté de l’expérience utilisateur, ce qui suffit à isoler ce métier dans le monde merveilleux de l’Entreprise (et tant mieux, il faut se distinguer). Cet article n’est pas pertinent et rempli de fausse affirmations.

      Et quand je lis ça dans les réactions:
      « Peut-être cela va-t-il changé: Strate collège a été racheté par un fond de placement lié aux grands magasins C&A. Etre dirigé par des managers et des marketeurs de la grande distribution peut avoir des conséquences intéressantes. »

      J’hésite entre rire et pleurer… La créativité et le design sont tellement en pointe en France qu’il faudrait lui mettre des bâtons dans les roues?

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