“Le Design vu par…” : Marie-Ange Brayer
“Le Design vu par…” est une rubrique ayant pour objectif est de recueillir la perception que des personnes côtoyant régulièrement ou connaissant bien le design, sans nécessairement être designers elles-mêmes, ont de cette discipline. C’est aujourd’hui Marie-Ange Brayer - Conservatrice, chef du service design et prospective industrielle, Centre Pompidou, Mnam/Cci (musée national d’art moderne / centre de création industrielle) qui répond à nos questions.
De votre point de vue, qu’est-ce que le design et à quoi est-ce que cela sert?
Le design est aujourd’hui entendu le plus souvent comme design industriel qui s’est détaché des pratiques artisanales à l’époque des avant-gardes historiques, du Bauhaus ou de l’Union des artistes modernes en France dans les années 1920. On peut aussi le lire comme l’histoire culturelle de nos modes de vie, une sorte de « concentré » de toutes les disciplines, à la fois artistiques et scientifiques ; le point de convergence d’une réflexion globale sur la société. Le design n’est pas seulement une activité technique à visée fonctionnelle. S’il contribue à « améliorer » notre être-au-monde, il faut aujourd’hui se poser d’autres questions liées à une approche durable ou au renouvellement des savoir-faire artisanaux par les technologies numériques. Un autre enjeu est aussi celui du comportement créatif des usagers, des plates-formes open source où le design se donne à l’intersection de la pratique du designer et d’une nouvelle place proactive accordée à l’utilisateur, à même d’interférer avec le processus de conception. Le terme de « maker » renvoie à la notion de ‘bricoleur numérique’, mais aussi à une nouvelle forme d’intelligence collective au sein de l’acte de création.
Dans votre environnement quotidien, quel est l’objet, le site Internet, l’interface, le service… que vous trouvez le plus pratique?
Mon fauteuil de bureau vintage Charles Eames d’un confort inégalable !
Et celui qui vous séduit le plus d’un point de vue esthétique?
Dans mon environnement quotidien, surtout les lampes : Arco d’Achille et Pier Giacomo Castiglioni, Stilnovo ou encore, la lampe Kongelys de Thykier. J’ai aussi un attachement particulier pour la cafetière La Conica dessinée par Aldo Rossi vers 1980, une petite architecture, un petit monde géométrique parfait.
Pourriez-vous nous citer un designer dont vous appréciez le travail, ou une entreprise dont vous appréciez les produits ou services, et nous indiquer pourquoi?
D’une manière générale, j’apprécie toutes les entreprises qui prennent des risques avec de jeunes designers, qui s’appuient sur leur créativité pour élargir leur champ d’application, s’ouvrir à de nouveaux questionnements sur leur métier. Les designers qui retiennent mon attention sont ceux-là même qui vont au-delà de leur propre pratique pour intégrer d’autres domaines ; qui ne se satisfont pas de leurs acquis pour être sans cesse dans l’expérimentation. À ce titre, le designer néerlandais Joris Laarman à Amsterdam développe une approche qui recourt aux technologies les plus avancées croisant artisanat et ingénierie de pointe. Il fait appel à des compétences élargies dans le champ de la biologie ou de la computation. La Bone Chair (2006), dans les collections du Centre Pompidou, inspirée de la croissance des os dans le corps humain, recourt ainsi à des algorithmes d’optimisation qui simulent des processus génératifs de croissance des formes.
Si vous étiez designer, quel est le premier projet que vous aimeriez vous voir confier?
Pour certains designers, la conception d’une chaise est le Graal ; pour d’autres, la conception de services collectifs… Tous les projets sont intéressants, c’est le point de vue singulier que le designer aura sur eux qui est le plus important, la pertinence des questions qu’il se posera à travers ce projet.
Quelle doit être, selon vous, la principale qualité d’un designer?
Le designer doit être avant tout un expérimentateur et intégrer sa pratique dans une réflexion globale. Il doit se poser la question : pourquoi cet objet devrait-il exister ? Quel est le sens de ce projet dans la société actuelle ? Les qualités d’un designer se définissent par la justesse de sa capacité d’intervention sur le réel. Il lui appartient de défricher de nouveaux territoires, d’inventer des usages innovants, de s’approprier la complexité du présent. Conscience durable et design participatif sont des paramètres qu’il convient aussi de prendre en compte.
Et pour finir, quel conseil donneriez-vous aux designers qui auraient à concevoir des produits, interfaces, services… à votre attention?
À mon attention, que l’objet ait une dimension méditative, intemporelle, comme une céramique d’Ettore Sottsass ! Ou comme le puzzle d’animaux marins (1957) d’Enzo Mari, sur mon bureau.
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Vous pourrez retrouver Marie-Ange Brayer lors de la première édition du forum VERTIGO, le nouveau Forum international Art-Innovation, propose de présenter des événements pluridisciplinaires sur la création et l’innovation en musique, art, design et architecture en lien avec les technologies numériques. (Paris Centre Pompidou, du 15 au 18 mars 2017).
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