[INTERVIEW] : la designer Eugénie deLarivière nous présente le projet les Résilientes X Emmaüs Alternatives
C’est durant notre visite du Off de la dernière Paris Design Week que nous avons eu le plaisir de rencontrer la designer Eugénie deLarivière. Elle développe depuis presque 3 ans Les Résilientes, le studio de design d’Emmaüs Alternatives. Elle nous parle de ce beau projet, social et créatif, qui vise à mettre la créativité au service de l’insertion et le design au service de l’environnement. Interview :
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel?
Bonjour je m’appelle Eugénie deLarivière, je suis designer d’objet de formation.
J’ai commencé ma formation par une prépa au Beaux Arts de Lyon, j’ai ensuite intégré l’école d’Art et de Design de Reims (ESAD de Reims) en design d’objet et complété ma formation par un master à la Design Academy Eindhoven où je me suis passionnée pour les méthodes pédagogiques utilisées dans le design.
J’ai ensuite été professeur de design à la Rietvelt Academy à Amsterdam puis je suis rentrée en France avec l’envie de m’engager, j’ai donc fait une mission de Service Civique Volontaire dans une association qui accompagne les artistes éloignés de l’emploi dans leurs projets professionnels, suite à quoi j’ai développé le projet Les Résilientes qui lie design, insertion, pédagogie et réemploi.
Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment?
Depuis maintenant presque 3 ans je développe Les Résilientes, studio de design d’Emmaüs Alternatives, un projet qui vise à mettre la créativité au service de l’insertion et le design au service de l’environnement.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste les Résilientes X Emmaüs Alternatives?
Les Résilientes, c’est un studio de design au sein d’un chantier d’insertion professionnelle et sociale dont le but est de créer collectivement des collections d’objets refaits à partir des gisements de dons non redistribués par l’association Emmaüs Alternatives.
Nous avons pour cela une triple ambition :
(1) Social : Parce que nous croyons fermement que l’acte créatif possède des vertus thérapeutiques agissant de manière positive sur la confiance en soi mais aussi que l’acte de design, entraînant le travail en équipe, la résolution de problèmes, la créativité etc. , permet de développer des capacités et compétences transversales très précieuses dans un processus de réinsertion professionnelle durable.
(2) Environnemental : Sur le principe de l’upcycling, nous créons des collections d’accessoires pour la maison (et quelques accessoires pour vous aussi) à partir d’objets et matériaux issus des dons faits à notre association et qui ne sont pas valorisables en l’état (parce que trop abîmés, devenus obsolètes etc.). déf. Upcycling L’upcycling, ou surcyclage dans sa version française, est l’action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d’utilité supérieure. On recycle donc « par le haut ».
(3) Economique Notre mission est de transformer les produits délaissés, sources de dépenses (stockage, destruction etc.), en source de revenus à travers une activité créative, génératrice d’emplois au sein de notre association.
Pour résumer : Les Résilientes ce sont des collections d’objets refaits, par nos salarié(e)s en insertion au sein du chantier d’Emmaüs Alternatives, à partir de gisements de matériaux et d’objets devenus obsolètes.
Quelle est votre méthode de travail habituelle?
J’ai démarré le studio Les Résilientes par une immersion de quelques mois au sein d’Emmaüs Alternatives. L’immersion et l’expérimentation sont pour moi des phases clés dans le processus de design mais aussi dans un processus de réflexion plus globale. Il faut se plonger entièrement dans un univers/projets pour le comprendre vraiment et prendre le temps ensuite d’expérimenter pour être dans le « juste ».
C’est la partie du processus de création & réflexion qui est la plus longue et la plus importante, il ne faut pas avoir peur de prendre son temps.
Concernant les créations, aujourd’hui cela se fait vraiment en collaboration avec l’ensemble de l’équipe. Mon rôle est devenu davantage celui de direction artistique, je suis là pour m’assurer qu’il y ait une logique esthétique qui lie nos différentes collections.
On part généralement d’un constat lié à un gisement de dons non redistribués par l’association et à partir de là, l’équipe fait des propositions, on fait les prototypes, on échange, on modifie, on teste le produit à la vente et si cela marche on lance une collection.
Nous suivons pour cela un cahier des charges précis, il faut que les créations puissent être réalisées en série, que la matière première (les dons non redistribués) arrive à l’association de manière constante (ex : les livres et vêtements abîmés, les cintres en métal etc.) et que les méthodes de fabrication soient accessibles à tous dans l’atelier.
On parle d’objets uniques réalisés en série, car elles puisent leurs matières premières dans les gisements de dons, matériaux et objets aléatoires et aussi parce que les gens qui les font sont uniques.
Combien de personnes compte votre structure ?
Nous sommes une petite équipe de salariés et bénévoles. 5 salariés d’Emmaüs Alternatives pour ce projet : Moi-même en cheffe de projet Les Résilientes. 4 salariés en CDDI (Contrat à Durée Déterminées d’Insertion) pour la conception et fabrication des collections. 1 Service Civique Volontaire pour une mission d’appui dans les activités liées aux Résilientes. Et un bénévole en parcours d’insertion sociale en appui à la conception et production des créations.
Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels?
Je ne prends plus vraiment le temps mais je devrais !
Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien?
Je reste une fan éternel du designer Ettore Sottsass et du sculpteur Constantin Brancusi.
S’il y avait une chose à changer dans le design?
S’il y a une chose à changer dans le design c’est la vision qu’on en a. Il faut commencer par définir et/ou redéfinir le mot « design », trop souvent mal utilisé. Le design, au-delà d’une recherche esthétique, est une pratique et par son approche pluridisciplinaire elle peut et doit s’appliquer à de nombreux univers socio-économiques différents. Enfin je crois que le designer en tant que concepteur du quotidien doit prendre en compte les enjeux sociaux environnementaux actuels. Non, le design ne changera pas le monde, mais comme tous, il peut faire sa part.
Quelle est la commande que vous aimeriez vous voire confier?
J’adorerais travailler sur un concept plus global de design et réemploi comme par exemple une scénographie, ou une maison, un café, un restaurant pensé entièrement à partir de récup.
De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui?
Le design, tel qu’il est enseigné aujourd’hui est tellement large que c’est à chaque designer de définir sa spécificité et par là son métier. En ce sens c’est pour moi un métier passionnant en constante évolution et redéfinition. Il ne faut juste pas avoir le vertige des possibilités
Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous?
Ça n’est pas récent mais je reviens à Ettore Sottsass et son livre Métaphores que j’adore découvrir et redécouvrir.
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Pour découvrir plus de travaux des Résilientes X Emmaüs Alternatives, visitez son site internet.
A noter qu’Emmaüs n’en est pas à son coup d’essai dans le design. Il y a quelques mois, nous avions pu échanger avec Lisa Lejeune qui nous présentait les créations de l’Atelier Emmaüs.
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