• L’Objet en question(s): les Ponts du Studio Fabien Barrero+Carsenat

    La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs : l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux… Aujourd’hui, le designer Fabien Barrero, fondateur du Studio Fabien Barrero+Carsenat nous présente « Pont », des presse-papiers et serre-livres réalisés en bronze, une découverte pour le designer. Interview :

    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation en design et votre parcours professionnel ?
    Après quatre années d’études à Paris dans la communication visuelle, j’ai collaboré avec Air France et Concorde au siège à CDG, avec le Studio Collet à Saint-Ouen et l’agence Phénomène à Suresnes. En 2007, par envie de travailler l’objet, j’intègre l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne. Pendant cinq ans de formation en design, j’y ai développé un intérêt pour la matière, sa singularité et ce que je qualifie d’« identité du matériau ». C’est finalement en Finlande, au Polytechnic Institute of Design de Lahti, que j’ai affirmé une approche sensible de la nature via le design nordique. C’est là que j’ai développé le projet « Pinus Pinaster », une recherche sur la résine de pin qui m’a permis de lier rapports humains et création d’objets responsables. Le design expérimental est alors devenu mon processus créatif, notamment chez Pepe Heykoop à Amsterdam. En 2013, c’est dans la grange de mon grand-père, au coeur des vallées de la Dordogne et de la Vézère, que j’ai fondé le Studio Fabien Barrero+Carsenat. Ce retour en France est marqué par l’envie de travailler autrement, à l’écart des agglomérations et en phase avec des prises de décisions directes quant aux ressources utilisées au studio.

    Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
    Pont est une série d’objets sculpturaux ayant fonction de presse-papiers et de serre-livres pour les plus grands modèles. Nous sommes ici à la frontière entre l’art et le design, l’objet usuel et l’objet de réflexion. Un Pont est avant tout un lien et il est ici intéressant de pouvoir voir et toucher la matière. Il y a un côté très sensuel avec le bronze, un sorte d’alchimie qui s’opère depuis la fusion de l’alliage à plus de 1100°C, jusqu’à avoir la pièce en main qui se patinera avec le temps et les manipulations répétées.

    Comment ce projet vous a-t-il été confié, quelle a été votre source d’inspiration ?
    Dans le Sud-Ouest, il y a un nombre conséquent de viaducs, ponts et autre passerelles. De beaux ouvrages, pour certains en pierre du XVIIIè siècle, qui permettent notamment aux trains de sillonner la région. C’est l’héritage de ces constructions qui m’a inspiré pour le projet Pont.

    Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet ?
    Dans le cadre de ce projet, la contrainte était surtout liée au matériau. Le bronze, la fonderie, c’est un métier, et je reste avant tout designer. De fait, il a fallu apprendre, essayer et aussi échouer… Il s’agit d’une certaine manière, d’emprunter suffisamment de connaissances au métier de fondeur mais en y ajoutant ma vision et mon approche de designer.

    Quel était votre concept ou votre idée de départ ?
    Les ponts ont une image antinomique : ce sont des liens qui séparent. Un concept qui a été discuté il y a quelques années à l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne, avec Hervé Audouard à l’occasion d’un cours autour du volume. C’est cet aspect, qui a été un point de départ créatif : créer des ouvrages qui relient et connectent deux côtés, qui ne se rejoignent que via ce biais.

    Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux ?
    Les Ponts sont réalisés en bronze massif, ou en laiton pour quelques exemplaires hors-série. Les premiers ont été polis brillant sur toutes leurs faces, excepté l’intérieur de l’arche tandis que l’ensemble des tirages s’est ensuite porté sur l’esthétique des traces laissées par le processus de fonderie. Dès lors, la décision finale a été de conserver ce contraste brut sur la face supérieure du Pont et avec les autres faces polies brillantes. L’imperfection naturelle de la matière est une sorte d’essence de l’esthétisme. Créer avec l’histoire et le parcours de celle-ci est un gage de singularité.

    Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées ?
    Il s’agit plus d’une question de temps que de difficultés à proprement parler. Le bronze est réalisé dans l’atelier, de manière artisanale et il en va de même pour le travail de façonnage et de finition des pièces. C’est un apprentissage de la matière par l’expérimentation où chaque résultat est un chemin.

    Sur combien de temps s’est déroulé ce projet ?
    6 à 9 mois au total auront été nécessaires. J’ai commencé à dessiner les premiers éléments pendant l’été 2019, puis procédé aux premières coulées courant octobre 2019.

    Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet ?
    Tout et rien, car il est en perpétuelle évolution. D’autres visions des Ponts sont à venir dans les mois prochains. Aujourd’hui, les premières pièces, numérotées et signées en 8 exemplaires sont disponibles (notamment via la Galerie Virginie Baro à Bayonne).

    Photographies : © Studio Fabien Barrero+Carsenat

    Pour découvrir plus de travaux du Studio Fabien Barrero+Carsenat, visitez son site internet.

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