A l’occasion de la sortie de l’ouvrage « Les Nouveaux Territoires Du Design«  aux Editions Atlantica, nous interwievons aujourd’hui l’initiateur du projet, Thomas le Thierry, président de la Fondation de l’ESDL. Présentation du livre et de ces nouveaux territoires à explorer pour les designers :

Pour commencer, nous aimerions en savoir plus sur la naissance de l’ESDL (école supérieur de Design des Landes) en 2009. Nous pouvons lire dans l’ouvrage que c’est suite à la tempête Klaus dans les Landes fin 2009, qu’est lancé ce projet d’envergure. Comment une catastrophe peut être à l’origine de la création d’une école de design?
Il se trouve que les Landes, en particulier l’intérieur des terres, étaient un endroit spécialisé et reconnu pour la construction de meubles et notamment de chaises. Une entreprise très importante du secteur dans la région éprouvait beaucoup de difficultés qui ont finalement conduites à sa fermeture. Il était difficile de résister à l’émergence de grands groupes comme IKEA ou Conforama venus sur le marché dans les années 70.
Au moment de la tempête Klaus, les gens se sont dit qu’il fallait faire quelques chose avec tout ce bois et aider le territoire à renaître. D’où l’idée de cette école.

Dans votre introduction, vous parlez des 3 dimensions d’un design créateur de valeur, pourriez-vous nous expliquer cette notion ?
Nous sommes rentrés au début des années 2000 dans une nouvelle aire sociétale, que je qualifie de révolution digitale. C’est pour moi l’équivalent de la révolution industrielle que l’on a connu entre 1840 et 1850 et qui a marqué un siècle et demi d’histoire de l’humanité en faisant basculer la société d’un modèle agraire à un modèle industriel.
Le schéma fondateur de la révolution industrielle est celui de mettre des machines à côté des hommes pour créer des lignes de production. C’est la grande différence entre ces deux modèles. Ce schéma linaire a même été transposé au monde agricole, puisque aujourd’hui les cultures s’effectuent en ligne. Cette « ligne » a imprimé un siècle et demi de l’histoire de l’humanité.
Avec la révolution digitale, on assiste à l’explosion de ces lignes accompagnée de l’arrivée à grande échelle d’outils, de plate-sformes et de solutions de dé-linéarisation. Facebook, Google, mais également Uber, Air B’n'B ne sont que des plates-formes de dé-linéarisation. Cette transformation digitale bouscule tout sur son passage, de la manière dont nous allons chez le médecin puisque vous prenez rendez-vous sur une plate-forme digitale, vous arrivez chez le docteur, vous y passez quelques minutes, et votre ordonnance est directement transmise à votre carte Vitale jusqu’à la pharmacie… Tout le processus est dé-linéarisé dans cet exemple.
Cette restructuration de la société dans laquelle nous vivons est basée sur ce nouveau modèle déstructuré, et va impacter la façon dont on conçoit les biens et les services. La conséquence, c’est que la manière dont on créé des objets depuis cette révolution doit intégrer trois dimensions, ce que l’on a appelé les trois territoires. C’est un enjeu pour les écoles de design notamment de préparer les élèves à ces transformations.

Un des éléments récurrent de l’ouvrage est la Révolution digitale. En quoi va-t-elle bouleverser notre approche du design à l’avenir ?
Le révolution digitale transforme le monde dans lequel on vit, le designer a une responsabilité à l’égard du temps long et toi nouveaux territoires s’ouvrent pour lui. Les objets connectés, la question de la protection du bien commun, et le design comme levier de création de valeur pour les entreprises.

L’ouvrage est organisé en trois parties, comme trois territoires à explorer, pouvez-nous expliquer quels sont ces territoires?
Le premier, c’est que le design devient un élément structurant pour l’entreprise elle-même. Par exemple, l’entreprise landaise Alki ne fait pas des chaises, Alki a mis le design au cœur de la définition de son propre métier et au cœur de sa stratégie d’entreprise. Et c’est par le design que l’entreprise parvient à créer de la valeur. On voit bien qu’aujourd’hui, Bose, Apple, BMW, ont mis les stratégies de design au cœur du processus de conception de produit et donc au cœur de la démarche de création de valeur.
Le second territoire, c’est que dans quelques années, tout ce qui sera connecté le sera. Ce que je veux dire, c’est qu’à partir du moment où un appareil est connecté à l’électricité, il sera connecté à internet. Les voitures, les téléphones, les feux rouges, mais aussi les places de stationnement, les sièges… Les sièges cela peut vous étonner, mais dans le livre est interrogé Lionel Armand, qui a conçu les premières assises connectées. Cela peut prêter à sourire, mais par exemple dans un open space, connecter un siège permet de connaître qui est assis dessus, combien il a consommé d’électricité, combien de temps il est resté assis. Cela peut servir à l’employeur pour faire un relevé de présence au bureau, de connexion internet et bien d’autres choses. Cela permettrait d’ajuster au mieux les différents contrats de l’entreprise.
Autre exemple, la voiture d’un particulier n’est utilisée que 8% du temps, cela voudrait dire qu’en connectant l’objet et en le mutualisant, on pourrait réduire de 92% la quantité de véhicules ! Évidemment, cela ne serait pas réaliste de penser que l’utilisation des véhicules seraient totale et parfaitement adaptée aux besoins des uns et des autres, mais cela ouvre malgré tout la réflexion. Imaginons le parking d’une société, il est connecté et ma voiture aussi. Je recherche une place et l’on m’informe que le parking de l’entreprise est à moitié plein, je m’y gare deux heures, je paye via mon téléphone ou directement via mon véhicule le coût de mon stationnement à l’entreprise, et tout le monde est content. Ce n’est pas très compliqué d’imaginer une plate-forme qui permette cela.
La troisième dimension découle directement de la seconde, c’est que l’on a un bien commun qui s’appelle la planète, et que ce paramètre est à prendre en compte dans tout ce que l’on conçoit, pour préserver ou limiter l’impact sur ce bien commun.

Comment avez-vous sélectionné les 32 « éclaireurs » de l’ouvrage qui y présentent ces nouveaux territoires du design ?
Ce ne sont que des gens avec lesquels nous avons travaillés, et qui font des choses emblématiques dans l’un ou plusieurs de ces trois territoires. Directeurs de cabinets de recrutement, de bureaux d’innovations, spécialistes d’ergonomie et de domotique, architectes, la fondatrice du magazine Intramuros, le directeur de Fermob… Tous les gens qui ont participé à l’ouvrage sont personnalités extraordinaires dans leurs domaines.

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Cet article a été publié le 21 février 2018 à 9 h 30 min dans la catégorie ACTUS, ANALYSES ET REGARDS.