L’exposition “Confort”, Konstantin Grcic
Par Clément Gault.
Avec “Prédiction”, “Confort” est l’exposition qui m’est apparue comme la plus surprenante de la Biennale de design de Saint-Étienne. Surprenante car elle est je pense la plus accessible: ancrée dans le quotidien, aucune connaissance en design, de son histoire et de ses codes, n’est véritablement nécessaire. Les objets y sont exposés de manière anonyme, peu importe qui les a conçus, de quand ils datent ou de leurs prix, et j’ai envie de dire que pour une fois on n’y parle pas de design. C’est en ça que tout un chacun, le visiteur lambda ou le connaisseur en design, pourraient s’y retrouver: “confort” engage clairement une réflexion sur le quotidien.
Pour ce faire, le designer allemand Konstantin Grcic a eu pour tâche de réunir des objets autour de la notion de confort. Dans l’ouvrage de la biennale, le designer allemand avance que ce sont avant tout des objets “qui favorisent la mise en place du confort”, en ce sens ces objets ne véhiculent pas le confort en eux-mêmes mais permettent “le luxe qu’offrent la liberté et l’indépendance”.
Ainsi, le confort peut être envisagé comme une forme de confiance vis-à-vis d’un objet. L’exemple de la bouteille d’eau est parlant: “le sentiment que je peux acheter et boire de l’eau pure et propre dans presque tous les endroits du monde suscite un sentiment de confort”. Le confort peut également se comprendre comme la simplification et l’accessibilité de nos actes de tous les jours, à l’image du taxi qui permet de se rendre à un endroit sans savoir ni conduire ni comment s’y rendre. Le même constat existe avec les Smartphones et leurs applications qui condensent tout un ensemble de services autrefois difficilement accessibles. En retour, ces derniers permettent aux utilisateurs de ne pas se sentir “ni oisifs ni paresseux mais, au contraire, intelligents”. Des considérations qui laissent naturellement penser que le confort est aussi une affaire d’égo. L’égo justement, sans doute le plus en rapport avec un autre élément développé par Konstantin Grcic où “le confort est aussi produit par l’adaptation”, comme le sont les ciseaux ergonomiques Fiskars, adaptés aux droitiers comme aux gauchers.
Concrètement, l’exposition propose 47 objets choisis par Konstantin Grcic. La sélection éclectique apporte une variété dans la présentation. Les objets peuvent être montrés tels quels: un sac de couchage, un oreiller de voyage, une valise à roulette, etc. D’autres sont montrés par métonymie: une marche d’escalator pour l’escalator, le signal lumineux d’un taxi, la borne Vélib’. D’autres encore sont purement métaphoriques et sont de fait présentés en correspondance de ce qu’ils sont dans les faits: le logo du Wi-fi, de FedEx, ou le code-barres. Enfin, devant l’intangibilité de certains objets, certains sont réifiés, chosifiés: le magasin en ligne Amazon est présenté par ses paquets immédiatement reconnaissables, le système bancaire lui l’est par une carte de crédit, la touche espace d’un clavier par les lettres “S P A C E” en volume. De plus, chaque objet est ancré dans une narration puisque les cartels inclus un court extrait romanesque de l’écrivain allemand Eckhart Nickel.
A première vue la scénographie peut paraître banale: les objets semblent simplement disposés derrière des vitrines. Il n’en est rien. Le commissaire a ici volontairement joué la carte des contrastes ou des ressemblances pour montrer la complexité qu’implique cette délicate notion de confort. Ainsi le Hippo Roller, un baril cylindrique pour transporter de l’eau facilement et destiné aux pays en développement, contraste avec le gobelet du café à emporter; deux usages similaires dans des contextes radicalement différents. Une bouteille d’eau est placée avec une lunette de WC autonettoyante, comme pour rappeler qu’un objet de confort lié à l’hygiène en implique ici un second. Le Wi-fi lui partage son socle avec une borne Vélib’, montrant que la disponibilité d’un service n’a pas forcément une forme définie à l’avance.
Cette notion de confort est je pense difficilement discutable et facilement argumentable lorsqu’elle touche aux besoins essentiels. On ne peux être que d’accord avec les objets de l’exposition lorsqu’il s’agit de boire, de dormir, d’uriner, de se déplacer ou de communiquer. Il en va de même avec les objets que je qualifierais de purement utilitaires comme les ciseaux Fiskars ou le Kärcher.
Néanmoins, Konstantin Grcic n’omet pas de préciser dans le livre de la biennale que le confort est également une notion purement subjective. A ce sujet, il propose dans un même espace deux objets bien différents mais qui paradoxalement se ressemblent dans leur manière de faciliter un service: La capsule Nespresso et le livre audio. Pour Konstantin Grcic, la capsule Nespresso permet de “faire un café parfait sans être un véritablement barman”. Pour le livre audio, “il s’agit du confort de se faire lire une histoire. Avec une belle voix, peut-être celle de l’auteur en personne”. Mon avis subjectif est tout autre. Pour moi, la capsule Nespresso est typiquement le café pour les gens qui n’aiment pas vraiment le café. Faire du bon café peut aussi passer par une cafetière à piston avec tout le protocole qui s’en suit: sortir le café du frigo, forcément très odorant, verser l’eau chaude et mélanger avec une cuillère en bois, attendre cinq minute pour laisser décanter puis délicatement appuyer sur le piston. En somme, le confort et le plaisir qu’offre un “café parfait” passe par certains efforts nécessaires pour le différencier de mon café habituel (que je fais pourtant dans une cafetière à percolation, sans un être un barman). De même pour la lecture qui comme le “café parfait” impose pour moi une sorte d’engagement: je pars de la conviction qu’un livre est avant tout fait pour être lu et non pour être écouté. Lire un livre engage également un effort qui ne va pas à l’encontre de cette notion de confort.
C’est sans doute là que la subjectivité de Konstant Grcic s’exprime le plus: considérer que le confort passe nécessairement pas la réduction des efforts. Je pense pour ma part que certaines activités, notamment les plus subjectives, impliquant indubitablement le plaisir, sont indissociables de l’effort et ne peuvent de fait clairement se rapprocher de la notion de confort. Curieusement, peut-être que Konstantin Grcic et moi sommes d’accord. Et Eckhart Nickel de conclure:
Il y a toujours des choses qui échappent à la définition du confort car elles sont si subjectives qu’elles ont une signification totalement différente pour chacun de nous.
Cet article est également paru sur le blog de Clément Gault: designetrecherche.org.
le 6 décembre 2010 à 10 h 41 min
Je l’ai visité également. Intéressante sur le fond, mais hermétique sur la forme. Le grand public est probablement passé à côté du sujet. J’ai pu écouter les explications d’une guide: de la haute-voltige (avec de nombreux crashs).
J’ai un peu peur que le designer passe encore pour un joyeux élucubrateur.
le 6 décembre 2010 à 23 h 54 min
« Les objets y sont exposés de manière anonyme, peu importe qui les a conçus, de quand ils datent ou de leurs prix, et j’ai envie de dire que pour une fois on n’y parle pas de design. »
Rah, justement, là est tout le « design »…
Très bon article cependant. Merci!
le 7 décembre 2010 à 22 h 36 min
Cette expo est du foutage de gueule totale. Konstatin, il faut bosser, pas se reposer sur ses laurier de designer de tabourets !
le 8 décembre 2010 à 12 h 56 min
=D
le 14 décembre 2010 à 12 h 50 min
@Waldezign
C’est curieux, j’ai la même réaction mais pour une autre exposition, Prédiction de Benjamin Loyauté. Intéressantes, beaucoup de projets, etc, mais du coup assez obscure pour le grand public.