Apartamento, magazine deco post-matérialiste
Déplorant l’aridité et la l’« irréalité » des espaces mis en scènes et habituellement présentés dans les revues de décoration, Apartamento, définit par le New-York Times comme le premier « post-matérialist Interior Magazine », propose des espaces dans leur jus, habités. Un autre rapport au design, à l’habitat et à l’image en découle.
Lancé il y a quelques mois par deux espagnols travaillant à Milan, Omar Sosa et Nacho Alegre, Apartamento s’éloigne en tous points des canons du genre : pas de papier glacé, pas d’espaces luxueux ou de présentation des derniers hôtels à la mode, mais des lieux de vie occupés, avec leurs qualités et leurs défauts, pas plus ni moins.
Regrettant que les lieux présentés dans les magazines de décoration traditionnels soient beaucoup trop éloignés du lecteur, les deux fondateurs optent en effet plutôt pour des espaces de vie, habités et occupés par leurs habitants, des images qui ne sont pas mises en scène. Ce faisant, ils facilitent la projection du lecteur, plus apte à tisser des parallèles avec sa propre vie, sa propre manière d’occuper l’espace. L’objectif est de montrer comment les gens vivent réellement. Et pour les deux fondateurs, ce type de support n’existe pas dans le marché de la presse actuelle.
Car que l’on feuillette AD, Ideat ou Interiors, dans une moindre mesure les magazines de design (qui ne présentent jamais ou presque les objets en situation) ou ceux d’architecture (qui ne présentent jamais ou presque les lieux occupés), les espaces sont toujours idéalisés, totalement cliniques. Évitant soigneusement les chaussettes traînant à côté du lit, les traditionnels mais nécessaires câbles électriques courrant dans la pièce, les objets trop vieux ou trop abîmés, tout y est somptueux, souvent pompeux, parfaitement mis en place. Propice au rêve et à la projection ? Ce n’est pas certain, car tout ce qui semble superflu, qui est pourtant souvent nécessaire et inévitable, est évacué de l’image.
Au final, ne se revendiquant ni source d’inspiration ni précurseur de tendances, Apartamento dévoile, comme le ferait une coupe dans une fourmilière, dans une sorte d’inventaire à la Perec, ce qui fait le quotidien d’un intérieur : les usages et les habitudes, des petites mises en scènes et des perceptions, qui peuvent nourrir l’imaginaire du designer en présentant des objets en situation réelle et non fantasmée.
Tiré à 5 000 exemplaires, le premier numéro d’Apartamento est déjà épuisé. La revue est disponible en France, à Paris, chez Colette et au Palais de Tokyo.
Sources : Shift, The moment blogs nytimes, Sueddeutsche