Le Fiasco du « Comité Colbert »
Éditeur de livres d’artiste et ancien directeur de l’École Supérieure d’Art et de Design de Reims, Gervais Jassaud nous propose sa vision de la récente exposition du Comité Colbert, dévoilant les résultats de ce concours annuel associant maisons de luxe et écoles de design. Décoiffant.
—
Le « Comité Colbert » rassemble nombre de maisons de luxe de la France qui portent partout dans le monde une image de l’élégance et du « way of life » français et qui représentent une ressource importante de notre commerce extérieur.
De plus, il faut reconnaître que ces sociétés soutiennent la création « française » depuis des années, notamment à travers le concours de création dit du « Comité Colbert » qui encourage les étudiantsdes écoles de design à devenir les fers de lance de la création mondiale. Une initiative généreuse qui peut être un tremplin pour les jeunes talents de demain mais aussi pour l’image du luxe « made inFrance ».
Pour avoir assisté au cours des dix dernières années aux différents « shows » des lauréats du »Comité Colbert » et avoir apprécié les scénographies qui portaient les créations des lauréats signées Matali Crasset, Christian Ghion, Electronic Shadows… la version 2008 dans le cadreprestigieux du Palais de Tokyo n’était-elle pas une opération suicidaire ????
En effet, elle m’est apparue comme une provocation gratuite vis à vis des entreprises qui portenthaut et fort l’image du luxe français et désobligeante vis à vis des jeunes designers lauréats qui pour partie représentent l’avenir de la création française.
Cette affirmation est partagée par nombre des invités, alors essayons d’en analyser le pourquoi ?
L’exposition:
1°Les projets lauréats:
C’est d’abord l’aventure merveilleuse d’un graphiste dont j’ignore le nom qui tout en dentelles met en scène les projets lauréats à tel point qu’on ne voit que son graphisme et qu’on cherche désespérément les créations lauréates.
Y-a-t-il le nom du lauréat? Y a- t-il le nom de la Maison dont il est le lauréat ? Moi, je n’ai rien vu!
En résumé: les lauréats peuvent dire merci au graphiste d’avoir préservé leur anonymat, d’avoir occulté le sens de leur création et les maisons sponsors de même pour les avoir laissées en dehors de toute publicité institutionnelle.
2° Les photos des lauréats!!
Voilà de très belles photos. Mais oui, il s’agit des lauréats. Pour les voir vous n’avez qu’à traverser les 30 mètres qui vous séparent du mur d’en face!! Au pas de course, s’il n’ y a pas de visiteurs c’est 6 secondes .
Oui, ils sont tous là. Elles sont belles, ils sont beaux, toujours dans un cadre bo-bo sans identité marquante.
Bon, on passe d’une photo à l’autre sans savoir qui est qui, sans savoir de quelle société il ou elle est lauréat ?!!!!!!
Tout cela n’a pas d’importance dira le photographe mes photos sont de l’ « ART » Il a peut-être raison mais nous sommes là pour découvrir des créations, des créateurs et des entreprises qui ont parié sur leur talent présent et à venir.
3° Le grand écran:
La vidéo présentation des projets lauréats. Ah, oui une vidéo artistique (Pourquoi pas?): Une image de début avec le lauréat en scène et une succession d’écorniflures. « Oui, nous sommes dans l’art et nous vous emmerdons tous ! » pourrait-il dire. Et oui, une vidéo qui nous emmerde!
Bravo, l’artiste-vidéaste.
J’espère au moins pour lui que sa facture sera nettement plus significative que sa prestation !!!.
4° Le site internet :
Et oui l’on repart chez soi avec un certain désenchantement mais aussi avec un certain espoir que le carton »design-colbert.fr » qui nous a été remis à la sortie nous renseigne enfin!. Là encore c’est une nouvelle désillusion qui nous attend devant l’écran de notre ordinateur. C’est à coups de clic et de re-clic que l’on retrouve la vidéo de l’exposition. On s’y attarde davantage, on écoute un commentaire en complet décalage avec les projets primés. Peut-être l’auteur a-t-il pensé que seuls les imbéciles cherchent à comprendre?
Plus fort encore : Saint-Louis se diversifierait-il dans la cosmétique???. En effet, on sait pas trop si, c’est ce verre caché sous la dentelle ou ce qui ressemble à un tube de rouge à lèvres qui s’agite en bas de l’image, qui est la création récompensée.
Il y aurait bien d’autres exemples mais arrêtons nous là.
Un fiasco ai-je dit au départ ?
Comment peut-il en être autrement puisque nous sommes dans la négation absolue du design, de sa pensée et de son contenu, puisque les designers lauréats sont renvoyés aux frontières de l’anonymat, puisque l’image des grandes maisons sponsors est mise en transparence mais peut-être pas leurs carnets de chèques!!
Je me pose la question:
Comment est-il possible au plus haut niveau de détourner une opération de valorisation des entreprises du « Comité Colbert » et de confisquer la création des jeunes designers ?
Gervais JASSAUD
le 18 décembre 2008 à 12 h 41 min
Je viens de lire avec beaucoup d’attention votre compte-rendu de design-colbert.fr, et constate à quel point le projet vous a contrarié.
Je suis l’artiste qui a dirigé ce projet, et je tiens juste à préciser que nous avons travaillé avec beaucoup de générosité, mes partenaires et moi-mêmes, afin que les lauréats et leurs créations soient valorisés, dans un cadre qui ne soit pas une simple vitrine, mais un site qui propose trois accès complémentaires à leurs créations. La soirée de lancement n’avait en aucun cas le statut d’une exposition, mais inaugurait le lancement du site, qui, à côté des Sémiophores- cette partie qui vous a heurté- propose deux autres parties.
Une Encyclopédie, qui présente :
- chaque création, avec ses spécificités techniques
- chaque lauréats et ses commentaires sur le concours et la création réalisée au sein des maisons
- chaque école et l’intérêt qu’elle porte au concours des Espoirs de la création
Une troisième partie, l’Agora, contient des interviews des lauréats et des directeurs de chaque maison, et intensifie la lecture de ce qu’ils ont engagé et produit ensemble.
La partie exposition, où figure les « belles photos », ne cultive pas l’anonymat. Chaque nom (lauréat, maison et école) y apparaît clairement, et les lauréats introduisent à tour de rôle leurs créations. La mise en scène créée ici amplifie la dimension formelle et plastique de chaque création. Si un doute subsiste sur la nature exacte du prototype (une photographie ne dit évidemment pas tout), l’encyclopédie permet de vérifier la dimension exacte de ces prototypes.
Bref, je ne cherche pas à vous convaincre du contraire, vous êtes absolument libre de penser ce que vous voulez, mais à signifier que nous avons travaillé avec beaucoup d’attention à ce projet, que l’allusion d’opportunisme financier que vous évoquez est juste hors de propos et bêtement déplacée, et que le mépris que vous sous-entendez n’existe que dans vos commentaires.
Gerald Petit
le 13 janvier 2009 à 20 h 07 min
Pour ma part, j’ai trouvé ce site vraiment bien fait, je me suis laissé emporter et guider par « cette voix » et ce graphisme. L’idée d’une galerie virtuelle m’a d’abord étonné puis charmé : j’ai été conquis !
le 20 février 2009 à 12 h 55 min
Je partage entièrement l’avis de Gervais Jassaud. J’ étais d’autant plus attentive aux résultats que mon projet avait été présélectionné et que n’étant pas lauréate j’aurais aimé rencontrer le lauréat de la maison pour laquelle j’avais postulé. Le nom n’est apparu nulle par durant le vernissage et les projets effectivement se fondait très bien dans le « décor ». Resultat: zero information, je n’ai pas rencontré le lauréat car je n’ai pas pu l’identifier, j’ai compris qu’après quelques temps comment étaient « mis en valeur » les projets… extrèmement décevant… les maisons qui participent ne manquent pas de publicité mais pour les jeunes créateurs ça aurait pu être une bonne occasion de les mettre au devant de la scène…