L’Objet en question(s): Roches Tournantes par Gaëtan Didier
La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux… Aujourd’hui, c’est le designer Gaëtan Didier, formé en « Design Objet et Espace » à l’ESAD – Reims, qui nous présente son projet Roches Tournantes , réalisé avec l’EPV Marbrerie Provençale de Cagnes sur mer. Interview :
Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
Le projet initial est d’engager un dialogue étroit, une collaboration, avec la Marbrerie Provençale afin d’innover vers de nouveaux procédés techniques et de nouveaux usages. Ayant une certaine expertise concernant les métiers d’art, la deuxième raison de mon intervention au sein de la marbrerie est de valoriser les gestes et techniques manuels dans le cadre de l’entreprise, équipée de nombreux outils numériques.
Comment ce projet vous a-t-il été confié?
Menant plusieurs réflexions sur les minéraux en Auvergne, je suis rentré en contact avec la Marbrerie Provençale après avoir découvert leur travail remarquable avec Rudy Ricciotti. Le projet s’est concrétisé quand la marbrerie m’a demandé de dessiner pour eux de nouveaux de produits afin qu’elle les éditent.
Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
Les principaux obstacles étaient à la fois technique et économique. Le marbre est une matière noble, rare, qui entraîne des coûts importants lors du développement d’un projet. Pour cela, nous avons pu compter sur des partenaires de la marbrerie que je remercie vivement : carrière du Hainaut, Yelmini et Euromarbles (Carriers sur le territoire). La dernière problématique à laquelle nous faisons fasse au terme du projet est celle de la valorisation et de la commercialisation des idées de la Marbrerie Provençale.
Quel était votre concept ou votre idée de départ?
L’enjeu principal du projet est d’innover vers de nouveaux mobiliers en roches massives articulées. L’ambition principale est qu’à terme, l’utilisateur vive une expérience nouvelle de ce matériau, le poids des roches est annulé et les assises peuvent être manipulées et orientés par les utilisateurs.
Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
La collection de mobilier » Roches Tournantes » est conçue avec des matières locales emblématiques du territoire français. Les formes sont dessinées grâce à des lignes tendues qui confèrent aux objets une certaine douceur, par souci d’ergonomie et de fonctionnalité. Formellement, la collection s’inspire de notre culture et patrimoine local des roches ou encore de phénomènes naturels comme l’érosion par exemple.
Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
Mon principal interlocuteur à la marbrerie est Denis Riocreux de la Marbrerie Provençale, un chef d’entreprise à l’écoute des domaines de la création contemporaine. J’ai beaucoup échangé avec les artisans de l’atelier lors de la phase d’immersion dans le projet, où ils ont tous partagés avec moi leurs envies et intuitions. Lors du développement, j’étais en contact permanent avec Christophe qui se chargeait des fichiers CAO et avec Yves, tailleur de pierre, pour concevoir les finitions et décors des objets. Enfin, jusqu’à l’événement Rocalia, j’ai beaucoup dialogué avec Karine pour mettre en place notre communication respective et valoriser les pièces.
Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
Je travail en indépendant, la conception CAO est réalisée par mes soins. Les orientations du projet ont été décidées avec Denis Riocreux. Le développement technique a mobilisé les artisans d’art de la marbrerie, plus précisément deux personnes de manière intensive (Yves et Christophe). Les seules éléments sous-traitées sont les parties techniques qui permettent la rotation des assises.
Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
La rotation des assises a été notre principal challenge. Nous avons essayés divers procédés jusqu’à ce que nous envisagions la conception de roulements sur-mesure.
Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
Cela fait maintenant un an que je suis allé pour la première fois dans l’atelier de la Marbrerie à Cagnes sur mer. Une année qui se clôture par l’événement Rocalia où nous dévoilons les pièces.
Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
Oui, le passage de la CAO au volume sculpté a été sujet à de nombreux échantillons, réalisés dans des matières de substitution, afin de valider l’ergonomie et la fonctionnalité des objets. A l’avenir, je tâcherais d’anticiper davantage mes formes afin de minimiser ce temps de développement à l’atelier.
Et pour finir, où en est ce projet?
Le projet est aujourd’hui commercialisé par la Marbrerie Provençale qui se lance dans l’aventure de l’édition. Il est en ce moment même exposé au salon professionnel de la pierre ROCALIA à Lyon, nous avons eu le privilège d’être valorisé au sein du parcours design, organisé à l’occasion par l’événement. Les premiers retours sont très positifs, les visiteurs sont surpris lorsqu’ils découvrent les objets et sont réceptifs face aux usages soulevés. Ces premières réactions sont encourageantes à yeux.
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