L’objet en question(s) : La banquette en matériaux recyclés Bultan
La rubrique “L’objet en question(s)” présente des portraits d’objet ou de séries d’objets, par leurs créateurs: l’histoire de leur genèse, leurs contraintes, leurs enjeux… Aujourd’hui, c’est le designer Romée de la Bigne, designer et fondateur du studio de design Maximum, qui nous présente « Bultan« . Une petite banquette fabriquée dans une démarche d’upcycling, à partir de barrières de sécurité hors d’usage et de chutes de mousse. Interview :
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de l’adn de votre entreprise?
Maximum est une manufacture de mobilier qui utilise pour matière première des déchets industriels, c‘est à dire des déchets produits avec une certaine régularité. Cette régularité nous permet de mettre les déchets au début d’un nouveau cycle de production et de donner ainsi à l’upcycling une dimension industrielle. Notre marque se situe au milieu d’un paradoxe simple: d’une part, notre appareil industriel souffre d’un manque de matière. Nous manquons de pétrole, de métaux, de gaz et de ressources en tout genre. Et en même temps, l’activité humaine génère une matière abondante et problématique qui est le déchet. Local, gratuit ou presque, riche et absolument écologique, c’est une ressource parfaite. Notre marque se développe sur un modèle de production qui propose de confondre les deux et de faire du déchet la ressource de demain.
Pourriez-vous nous décrire votre projet en quelques mots?
Le Bultan est une assise faite principalement à partir de barrière de sécurité hors d’usage. Ce sont les barrières de la préfecture de police. C’est barrière sont souvent jetées à cause d’une faiblesse au niveau de leur piétement. Nous les récupérons et les cintrons dans nos ateliers puis nous y ajoutons des coussins de mousses. Le Bultan existe en banquette pour l’intérieur et également en banc d’extérieur. Comment ce projet vous a-t-il été confié? Comme tous nos produits, le Bultan est né dans nos ateliers et est le fruit d’un processus de conception qui se fait chez nous, en interne.
Quels étaient, selon vous, les principales contraintes et les principaux enjeux de ce projet?
Le Bultan est le conglomérat de nombreux partenariats puisque en plus des barrières, il utilise des lattes de bois de l’usine Bultex, de chutes de mousse de la Maison de la Mousse et du Caoutchouc et des tissus automobile de la société Tesca. Le principal enjeu de ce projet a été de motiver ces partenaires et de mettre en place les chaînes d’approvisionnement pour que tous ces déchets se réunissent aux mêmes moments et dans des quantités adéquates autour de la production du Bultan.
Quel était votre concept ou votre idée de départ?
Nous avons identifié les barrières de sécurité hs lors d’une visite d’un dépôt de la préfecture de Police. Visiter des sites qui génèrent des déchets récurrents est une activité nécessaire pour alimenter notre déchethèque. Il faut être attentif et savoir voir voir la richesse là où tout le monde voit le rebut. Des barrières de sécurité, immenses, rigides et unijambistes, étaient entreposées par centaines en attendant d’être vendues aux ferrailleurs. Elles étaient pour la majorité et hormis leur pieds, en excellent état. Nous avons décidé d’imaginer un projet, autour de ces cadres d’acier solides et ultra disponibles.
Pourquoi le projet a-t-il, au final, cette forme et ce ou ces matériaux?
Notre processus créatif est un équilibre précis entre une liberté restreinte développée autour des déchets et le large éventail de partenaires disponibles dans notre déchethèque. Il y figure plus de 300 références, agglomérés depuis 4 ans et c’est cette ressource qui nous permet d’agrémenter un projet des qualités nécessaires à l’ergonomie, la qualité ou la finition d’un bon produit. Concevoir avec des déchets implique cependant de composer avec un grand nombre de contraintes. Les déchets sont des objets très écrits, très bavards. Il est nécessaire d’exploiter ce que le déchet a à offrir et de refuser ce qu’il n’est pas. C’est ce jeu d’aller-retours entre les qualités et les absences qui détermine la forme et le dessein. La finalité est déterminée par le disponible et jamais l’inverse. Si le Bultan a cette forme, c’est parce qu’il est fait d’une et d’une seule barrière et qu’il est le résultat d’un pliage simple et harmonieux. Les coussins sont longs et filiformes, parce qu’issus des chutes que produit la Maison de la Mousse et du Caoutchouc. Puis nous les avons recouvert de tissu noir qui provienne des usines de l’équipementier Tesca. Ces tissus techniques, développés pour la scellerie automobile sont idéaux pour un canapé et ça, c’est toute la richesse de la déchethèque.
Qui étaient vos interlocuteurs chez votre client, et avec qui avez-vous du collaborer?
En tant que marque de mobilier, nos clients ne sont pas les initiateurs mais la finalité des projets. Nous concevons des collections que nous proposons aux gens via notre site internet et notre réseau de distribution.
Au total, combien de personnes ont travaillé sur ce projet?
En comptant les partenaires industriels, 8 personnes ont participé au projet.
Quelles sont les difficultés que vous avez éventuellement rencontrées sur ce projet, et comment les avez-vous contournées?
La difficulté principale a été de cintrer la structure. Le cadre de la structure, fait d’un acier de seulement 1,7mm d’épaisseur est soudé tous les 12 cm pour répondre les petits barreaux traversants. Ces 48 soudures rendent le cadre quasi impossible à cintrer. Chez le fabricant, les soudures sont faites après cintrage. Chez nous, le point de départ est la barrière finie. Nous nous sommes accrochés à l’idée que si le cintrage avait été fait une fois il était forcément possible de le faire une deuxième fois. Nous avons du opter pour un cintrage américain, qui assume et dessine la déformation crée par l’excédent de matière et nous avons développé une machine spécifique pour pouvoir effectuer un double cintrage en une seule opération, grâce à deux vérins hydraulique puissants.
Sur combien de temps s’est déroulé ce projet?
La première discussion sur le sujet était il y a près de 2 ans.
Rétrospectivement, changeriez-vous aujourd’hui quelque chose à votre projet?
Non je ne pense pas.. A regarder en arrière, ce produit est le résultat d’un déroulé finalement assez naturel et logique dont il aurait été difficile de se détourner. Je préfère mettre mon énergie aux centaines de projet que nous avons devant nous
Et pour finir, où en est ce projet?
Nous en sommes à la fin. Nous peaufinons les derniers détails, finalisons les partenariats et créons les outils de communication. C’est un moment toujours assez jouissif qui clos des années de développement, de fantasmes et de projections.
Photographies : © Maximum© 2019
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