[INTERVIEW] : Elium Studio
Nous avons aujourd’hui le plaisir de poser quelques questions au designer Frédéric Lintz, co-fondateur du studio de design global elium studio. Basé à Paris, le studio cherche sans cesse à appliquer un design simple et intemporel et à favoriser un changement positif. Le champ d’action du studio est très large, puisqu’il couvre le design de produits, l’identité de marque, l’emballage, les UX et UI, la scénographie, le numérique ainsi que le design d’intérieur. Frédéric Lintz revient donc avec nous sur l’approche créative d’elium studio, basée sur le concept de légèreté initié par Marc Berthier : une réflexion globale sur la liberté, la mobilité, la modernité, les technologies, l’économie et l’écologie. Interview :
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation et votre parcours professionnel ?
elium est une équipe de designers réunis autour d’une passion et de valeurs communes.
Tous créatifs, chacun d’entre nous a suivi une formation supérieure en design complétée de plusieurs années d’expérience, amenant la complémentarité que nous pensons nécessaire afin d’aborder les problématiques complexes auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement.
La force du groupe provient de cette hétérogénéité de parcours et d’approche, parfois pour certains plus ancrée dans l’édition, pour d’autres plus centrée sur le design industriel ou le graphisme. Grace à cela, nous n’avons cessé de renforcer et d’enrichir notre niveau de réponse au fil de collaborations initiées durant presque 20 ans désormais.
Sur quel(s) sujet(s) travaillez-vous en ce moment ?
En tant que studio de design, nous sommes amenés à travailler simultanément sur de multiples projets/domaines, de façon « chronique » et pour le meilleur !
Depuis de nombreuses années maintenant, elium a diversifié ses activités afin d’aborder l’ensemble des champs du design industriel actuel.
Un domaine sur lequel nous sommes particulièrement intervenus concerne les objets connectés, l’IoT, au point de représenter une part significative de notre activité. A l’heure de la connectivité, il était nécessaire d’étudier, de comprendre et d’intégrer en quoi cette typologie de nouveaux produits et de nouveaux usages peut générer des attentes et des besoins spécifiques, obligeant les designers à repenser le rapport à la fonction et la place de ces produits dans notre quotidien, tant dans notre paysage domestique que professionnel.
Combien de personnes compte votre agence ?
Le studio compte 10 designers, et notre « originalité » réside dans la volonté d’impliquer l’ensemble de l’équipe sur la plupart des projets, au moins dans les premières phases de création et d’analyse.
Nous croyons fermement en l’émulation de groupe qui en résulte, permettant une prise de hauteur et un recul nécessaire à la remise en question permanente qu’impose ce métier.
La phase initiale d’un projet est un moment essentiel pour tout projet, où les orientations fortes et déterminantes sont prises. C’est à cette étape que notre contribution est maximale, grâce à la mise en place d’échanges entre les différents membres de l’équipe afin d’obtenir un résultat qui va bien souvent au-delà des limites du projet.
Quelle est votre méthode de travail habituelle ?
Notre méthode de travail s’appuie donc sur cette organisation très horizontale que nous avons souhaité mettre en place.
La première étape est généralement une phase de réflexion et d’analyse qui se synthétise par des échanges aboutissant sur des propositions de concepts forts et variés.
A l’issue de cette phase, un axe de travail est privilégié en concertation avec les différents intervenants sur le projet (car le design industriel n’est pas une activité autonome), donnant lieu ensuite à des orientations conceptuelles et matérielles concrètes.
S’en suivent des phases de développement plus poussées, impliquant bien souvent des interactions avec un bureau d’étude et d’ingénierie mécanique.
Le projet est donc généralement porté à ce stade par un lead designer qui sera en charge de la synthèse et du suivi de projet, tout en gardant un retour permanent des autres membres de l’équipe.
Fréquentez-vous les blogs et sites Internet consacrés au design, et si oui lesquels ?
Le design est par essence une pratique pluridisciplinaire, alimentée par de multiples sources d’information et d’intérêt, et reposant sur une curiosité naturelle prononcée pour les choses.
Il est crucial pour nous d’être en mesure de percevoir et analyser les tendances actuelles par le biais de « veilles » destinées à alimenter notre réflexion tant sur le plan conceptuel, formel que scientifique ou sociologique.
Nous sommes donc très à l’écoute des travaux de nos confrères, mais aussi des avancées technologiques ou sociétales, via des sites et blogs tels que Lemanoosh, Designboom, Wired, Dezeen, Core77 ou encore Engadget pour ne citer qu’eux, et bien entendu La Revue du Design.
Mais en toute sincérité, nos centres d’intérêts se tournent vers de nombreux domaines, parfois decorrélés à première vue de notre activité de designer.
Y a-t-il un ou plusieurs designers, ou créateurs, qui vous inspirent au quotidien ?
Bien entendu, il y a toujours des projets et des designers dont nous mesurons la démarche et les résultats.
C’est toujours très difficile de citer un nom en particulier, et nous préférons nous attacher à la qualité d’une réponse ou d’un parcours en particulier plutôt qu’à la notoriété d’une personne ou d’une autre.
Nous sommes néanmoins particulièrement réceptifs aux démarches ancrées dans la durée telle que la réponse toujours juste proposée par Erwan et Ronan Bouroullec ou Barber et Osgerby ainsi qu’à des individualités recherchant évidence et cohérence tels que Jean-Marie Massaud ou Stefan Diez.
S’il y avait une chose à changer dans le design ?
C’est une question difficile… Le design ne se résume pas à une seule pratique, mais se constitue d’une multitude d’approches.
Il est donc très difficile d’imaginer un changement doctrinaire et global applicable à tous !
Une chose à laquelle nous sommes attachés, et de plus en plus de par son impact majeur sur notre société, est la notion de responsabilité. En tant que créateurs ou designers, nous avons le devoir d’être très conscients de l’impact que peuvent avoir nos propositions (humainement, écologiquement, techniquement…), et d’essayer d’être le plus vertueux possible dans les réponses que nous proposons.
Il nous arrive parfois de refuser une étude qui n’apporte pas de bénéfice notable ou qui sera en décalage avec une vision responsable de notre environnement. Bien entendu, un projet ne se fait pas uniquement par l’apport du design, mais nous avons la possibilité d’être force de proposition afin d’amener la meilleure réponse possible dans un contexte donné. Nous privilégions avant tout une approche pragmatique et intelligente.
Quelle est la commande que vous aimeriez vous voir confier ?
Nous sommes toujours excités à l’idée de relever de nouveaux défis !
Le plus important pour nous est avant tout la possibilité de faire bouger les choses et de proposer une réponse tangible et porteuse de valeur, quel que soit le domaine dans lequel nous intervenons.
Donner du sens à notre apport est ce qui nous motive !
En tant que studio de design, nous aimons la succession d’expériences diverses et variées qui nous fait passer d’un projet à un autre quasi-quotidiennement !
C’est pour nous le meilleur gage de renouvellement créatif et intellectuel possible, obligeant à une adaptabilité, une flexibilité et une versatilité permanente.
Plus qu’un projet en particulier, c’est cette forme de liberté qui nous tient à cœur et nous motive.
De votre point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui ?
En tant que designers « pratiquants », nous avons la chance de pouvoir nous exprimer, d’orienter positivement les choses en répondant à des problématiques réelles, ce qui n’est pas forcément donné à tout le monde.
Cela reste également un domaine où l’expertise est nécessaire ! A titre de comparaison, le design graphique, iconique et majeur il y a quelques décennies a beaucoup souffert de la simplification/démocratisation des outils de création, laissant penser qu’un résultat de qualité ne s’obtient que par une réponse « technique » maîtrisée.
Les outils informatiques sont certes utiles et devenus très efficaces (voire incontournables, y compris dans le champ du design industriel) mais il est illusoire de croire qu’ils peuvent supplanter la culture graphique nécessaire à la proposition de réponses de qualité.
C’est une chose que chacun de nous peut malheureusement mesurer à travers la cacophonie de signes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement…
Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que vous auriez envie de partager avec nous ?
Là encore, il pourrait y avoir d’autant de réponse que le studio ne comporte de designers ! Nous citerons donc ici le dernier livre que nous avons acquis pour notre bibliothèque : NASA – Past and Present Dreams Of the Future by Benedict Redgrove.
Photographies : © Elium Studio
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La revue du design remercie une nouvelle fois Frédéric Lintz et tous les membres d’elium studio pour cette interview !
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