Les 4 champs du design industriel
Dans un texte paru début janvier sur le site américain Core77 et intitulé « The 4 fields of Industrial Design », Bruce et Stephanie M. Tharp, tous deux designers et enseignants à Chicago, tentent de définir, au delà des segmentations habituelles (mobilier, transport, électronique…), quatre axes d’intervention du design. Nous livrons, ici, l’essentiel de leur analyse.
Leur premier constat est de dire que le design est une discipline manquant de définitions propres et de postulats précis. Et ce flou, tout autant que la multiplication des vocables employés, est de nature à nuire au design et à son intelligibilité vis à vis des industriels (les clients des designers) tout autant que des usagers finaux.
« The discipline is relatively young, immensely broad, and ever expanding. What is hard to reckon with, however, is the confusion that exists even within the profession of industrial design: What activities do product designers recognize, champion, or even legitimize? What are the frameworks around our practice, and how are those communicated to the outside world? »
C’est pourquoi les auteurs proposent une mise à plat précise, faisant ressortir quatre axes qui, selon eux, sont caractéristiques du design tel qu’il se pratique aujourd’hui.
Commercial design
Le premier est l’axe « commercial ». Il représente une part importante du design produit aujourd’hui, et correspond globalement à ce que l’on a coutume d’appeler le « design industriel ». Les objets qu’il génère ont pour objectif principal d’être vendus. L’iPhone d’Apple, ou encore le fauteuil Louis Ghost de Philippe Starck, tous deux vendus à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, sont tous deux caractéristiques de cette approche.
« Commercial Design is what is commonly understood as industrial/product design and comprises the overwhelming majority of our professional activity. This is design work oriented toward, and driven by, the market. »
Responsible design
Le design « responsable » comporte une dimension sociale ou sociétale. Il concerne des projets mus par des ambitions humanitaires ou citoyennes. Le concepteur, animé par une certaine compassion et une certaine philanthropie, travaille ici à fournir un service utile à des personnes qui sont souvent oubliées par le marché. Même si l’objectif principal de ce type de projet est d’être vendu, il ne recherche pas tant le profit que le fait d’améliorer la vie de ses usagers.
« Responsible Design encompasses what is largely understood as socially responsible design, driven by a more humanitarian notion of service. Here the designer works to provide a useful, useable, and desirable product to those who are largely ignored by the market. Issues such as ethics, compassion, altruism, and philanthropy surround the work, be it for users in developing or developed countries. »
Experimental design
La troisième catégorie est celle du design « expérimental », dont l’objectif est d’explorer, sans visée commerciale (du moins dans un premier temps), une technologie, une matière, un procédé de fabrication, un certain type de forme… Assez éloigné de la demande et des contraintes de production industrielles, le design expérimental pourra toutefois trouver certains débouchés commerciaux, pour des segments de marché spécifiques par exemple.
« Experimental Design represents a fairly narrow swath within the broad field of design, and its primary intention is exploration, experimentation, and discovery. Experimental Design is defined perhaps more by its process than its outcome. In its purest form it is not driven by an overly specific end-goal of application, but instead is motivated by a curiosity—an inquiry into, for example: a technology, a manufacturing technique, a material, a concept, or an aesthetic issue. »
Discursives design
Le design « discursif » fait référence à la création d’objets dont le but principal est de communiquer des idées, d’encourager un discours. Ceux-ci sont destinés à communiquer une ou plusieurs informations au public, et les sensibiliser à des problématiques ou des thématiques particulières. Ce type de design, bien que fonctionnel, se frotte parfois de près à l’art et se rencontre plus souvent dans les musées ou galeries que sur le marché.
« Discursive Design refers to the creation of utilitarian objects whose primary purpose is to communicate ideas—they encourage discourse. These are tools for thinking; they raise awareness and perhaps understanding of substantive and often debatable issues of psychological, sociological, and ideological consequence. Discursive Design is the type of work that is generally less visible in the marketplace (though it can certainly exist there), but rather is most often seen in exhibition, print, and film. This is where design rubs up most closely against art. »
Le chevauchement
Ces catégories, pour pertinentes qu’elles soient, ne sauraient assurément résumer l’ensemble des démarches de design. Les auteurs de l’article le disent bien : elles sont avant tout des directions, des axes, et il est évident que, la plupart du temps, un projet recoupe plusieurs d’entre elles. Ils appellent cette notion l’overlap, c’est à dire le « chevauchement ».
« In presenting the aforementioned product examples from the four fields, we chose more « pure » versions of each. As mentioned, this framework is based upon the primary intention of the designer, yet we fully recognize the reality of multiple motivations. It important to emphasize that the categories are not entirely distinct from one another—there is overlap. In fact, it is rare for any product to be « pure, » in the sense that it is a result of a single intention (e.g., profitability, service, experimentation, or voice). »
De même d’autres catégories, peut-être plus transversales, peut-être plus « spécifiques », peuvent exister ou apparaître. Celles présentées ici permettent cependant de structurer un tant soit peu le discours et les ambitions des designers, mais aussi d’apprécier leurs productions qui ne sauraient, de part la nature industrielle du design et sa vocation à toucher un large public, se résumer à quelques intentions d’un créateur/artiste que nous n’aurions qu’à accepter en bloc.
« Once we understand the various intentions and roles that we can take on, the better we can clarify and be taken as seriously as we often wish we would be. »
« Names and frameworks are powerful. Our hope is that understanding the design landscape through these four, simple categories—Commercial Design, Responsible Design, Experimental Design, and Discursive Design—will help the profession, our « consumers, » and ourselves better understand design activity and ultimately its potential in an increasingly complex world of ideas and objects. »
Source : core77.com.
le 19 mars 2009 à 10 h 54 min
Intéressante typologie.
Il est quand même étonnant de renommer un type de design déjà existant :
la définition du design discursif est similaire au « critical design »