Devenir une star du design… ou le rôle des cascades informationnelles
Par Nicolas Minvielle
Un titre volontairement accrocheur mais une démonstration qui, je l’espère, sera parlante. Vu mon passé professionnel, la question de savoir comment on devient une star du design est évidemment prégnante… Pour être très honnête, la question est évidemment complexe et mériterait qu’on y consacre un ouvrage. Ceci étant dit, on peut peut-être essayer de tenter de donner quelques réponses, notamment quant à la raison pour laquelle, lorsque certaines personnes commencent à obtenir un statut de « star », il leur est (normalement) aisé de le garder. Donc, je ne me pose pas ici la question de savoir comment on arrive à la première étape de « j’ai un statut de star », mais bien ce qui fait qu’il y a un tel « trustage » de ce statut par un nombre limité de personnes ou d’agences.
Pour la démonstration, je vais recourir à un exercice que je fais faire à mes étudiants d’économie et qui est connu dans la littérature comme visant à démontrer l’existence de cascades informationnelles. Le principe est assez simple :
1. On prend deux urnes
2. On met deux boules noires et une blanche dans l’urne A
3. On met deux boules blanches et une noire dans l’urne B
Une fois ce point expliqué, j’explique aux étudiants que je vais choisir une urne au hasard (admettons que je tire la A, donc deux noires et une blanche), et que je vais leur demander de venir tirer, les uns après les autres, une boule dans l’urne choisie. Ils ne doivent évidemment pas montrer ce qu’ils ont tiré aux autres, et ensuite remettre la boule dans l’urne.
A partir de cet instant, on arrive au cœur du problème : le premier étudiant vient, tire une boule. Admettons qu’il tire une blanche. Un a priori (rationnel puisque la proba de tirer une blanche est plus élevée dans l’urne B…) veut qu’il pense qu’il a affaire à l’urne B (on se souvient qu’il s’agit en fait de la A). Il inscrit sur une feuille à côté de l’urne son choix : Urne B. Ce point est fondamental dans la mesure où les deux seules informations disponibles aux personnes suivantes sont alors:
1. La couleur de la boule qu’ils viennent de tirer (noire ou blanche)
2. Le(s) choix du (des) joueur(s) précédent (s)
Le deuxième étudiant vient alors tirer une boule. Pour peu qu’il tire de nouveau une blanche et qu’il obtienne une forme de confirmation en voyant que le premier étudiant a écrit penser faire face à l’urne B, il va lui aussi penser qu’il est face à l’urne B. Et voilà, la cascade (fausse puisqu’il s’agit de l’urne A…) est lancée. Pour faciliter l’explication, je mets ci-dessous deux cascades qui ont eu lieu en cours. Lorsque les points ont une valeur de 1, c’est que les étudiants ont choisi la bonne urne. Quand ils ont une valeur de -1, c’est qu’ils ont choisi la mauvaise…
Je commence volontairement par une « bonne cascade ». Le premier étudiant a choisi de dire B au lieu de A car il a tiré une blanche (ce qui, encore une fois, est rationnel en termes de choix au vu de ses seuls informations : la couleur de la boule qu’il vient de tirer et sa probabilité d’occurrence dans le cas de l’urne B).
Par contre, dès le deuxième étudiant (qui tire une noire), tous annoncent l’urne A. Tout le monde n’a évidemment pas tiré une boule noire, il y a donc eu un effet de cascade très lourd. « Coup de bol » ici, la cascade se fait sur la bonne urne…
Par contre, dans la cascade qui suit, les choses sont moins glorieuses :
Encore une fois, le premier étudiant (qui a décidément un rôle prépondérant) fait un choix avec ses seules données et n’est pas suivi par les autres. Par contre, juste après lui, on voit une belle cascade apparaître où … tout le monde a tort (sic).
On comprend évidemment l’intérêt du jeu dans un cours d’économie ou pour l’analyse des marchés financiers. Si on remet la démarche dans le cas du design et de l’existence de « marques du design », que peut-on en dire ?
1. Dans le jeu, au moment de faire le choix, il y a un arbitrage à faire entre « j’ai tiré une boule blanche et je devrais dire Urne B » et « dix personnes avant moi ont choisi d’annoncer Urne A, ils doivent avoir raison car ils ont tous du tirer une noire ». Or, si le dixième joueur pense ça, on peut imaginer que c’est le cas du 9ème, ou du 8ème, ou du 7ème etc.
2. Ce point qui, présenté comme cela, n’a l’air de rien, permet d’expliquer pourquoi certaines agences ou designers ont des clients récurrents dans certains secteurs : un acheteur de design n’y connaissant rien n’a que très peu d’infos sur les agences potentielles. Soit il connaît le marché et fait son choix en connaissance de cause, soit il ne le connaît pas et donc, il va regarder… les clients précédents des agences. Le raisonnement étant « s’ils bossent avec X et qu’ils continuent, c’est qu’ils en sont contents… Je suis donc rassuré et je peux y aller…»
3. On est là en pleine cascade dans la mesure où le fait d’avoir un client récurrent ne veut pas dire qu’il n’existe pas de meilleure agence à côté (ni même d’ailleurs que les acheteurs concurrents soient contents de leurs choix précédents….) C’est juste la perception qu’ont les acteurs (les acheteurs en l’occurrence) d’un marché qui les amènent à reproduire des choix menés précédemment par les autres acteurs.
4. On retrouve ici beaucoup de choses, notamment une analyse potentielle en termes de coûts de transaction : « combien de temps cela va-t-il me prendre et combien cela va-t-il me coûter avant d’être en mesure de me faire une idée personnelle de la qualité des agences auxquelles je fais face ? » A priori, il est plus simple de se baser simplement sur les choix des précédents acteurs….
Les quatre points précédents visaient à mettre en perspective la raison pour laquelle une agence ou un designer pouvait gagner successivement un nombre important de clients et donc pérenniser son statut sur un marché. On pourrait ici rajouter une remarque toute simple :
1. Les étudiants n’avaient ici le choix qu’entre trois boules. On aurait pu en mettre plus et rajouter des couleurs
2. Du coup, pour être choisi il faut évidemment faire partie de « l’urne » des acheteurs potentiels de design. Et ça, ce n’est possible que si on est visible sur un marché (simple question d’asymétrie d’infos). Alors Messieurs les designers, je vous en supplie, ce n’est pas parce que vous être (re)connus dans le milieu du design que vous êtes pour autant visibles par les acheteurs… (qui a déjà vu un responsable marketing d’une PME de 500 millions d’€ sur le stand du VIA???)
3. PS : Pour que les choses soient claires, je ne dis pas qu’il ne faut pas passer par les instances « validatrices » du design (au contraire, elles permettent d’arriver au statut du designer star dans un premier temps) mais que cela ne suffit pas si on veut vendre ses prestations derrière au vu de la concurrence existant sur ce marché…
Cet article a été publié, dans un premier temps, sur le blog de Nicolas Minvielle (design-blog.info).
le 26 mai 2009 à 16 h 06 min
Ma formule est simple mais elle est spécifique à chaque designer :
Star émergente = chemin initiatique + sytème de validation internationale + biz plan
le 30 mai 2009 à 7 h 22 min
Chaque désigner qui émerge se construit en s’opposant ou en ouvrant un nouveau territoire.
Le premier positionnement choisi par Ora Ito: un » Starck jeune », Directeur artistique des marques de Luxe …sans aucune illusion sur la démocratisation du design qui est une des thématiques de Starck.
-avec la maîtrise de la 3D et non un designer crayon sur calque comme le vieux Starck
- une équipe de 10 dès le départ qui a fait le job design 3D
- une marque de « genius designer » comme son « père » Starck .( ce dernier l’appèlle « fiston’ par dérision)
-une peopolisation de la com…
Il a fait le buzz qui a crée la demande non des marques de luxes:
-mais sur des marques populaires d’alcool qui voulaient viser les jeunes mais sur un territoire que Starck s’interdisait
-en deco du flagship de Toyota à Paris en raison de son buzz au Japon,premier consommateur de luxe .fr et de son ancrage à Paris ,
le 1 juin 2009 à 8 h 11 min
Nicolas Minvieille indique à la fin de son sujet: »je ne dis pas qu’il ne faut pas passer par les instances « validatrices » du design (au contraire, elles permettent d’arriver au statut du designer star dans un premier temps) »…
Le problème est de savoir quelles sont ses instances validatrice en France et dans chaque pays.Un étudiant ou un jeune designer français va croire qu’il y a en France des instances officielles de validation pour devenir star du design…Si elle existent, comment se fait il qu’il y a plus de designers belges et suisses visibles à Milan que de designers français? Le salon de Milan est il l’instance de validation internationale?
Un salon de design est il une instance validatrice? Faut il être designer émergent avant d’être designer star?
La plus grande « »instance » validatrice française du design français se nomme Philippe Starck et Nicolas Minveille le sait bien puisque c’est principalement son passage chez PS qui valide son statut d’expert…
Un autre expert a écrit la plus grande invention de Starck c’est son nom.
STARck sait choisir des noms de « bras droits » qui ne peuvent devenir des noms de marques internationales: PILLET, JOUIN, CRASSET, GAUGAIN….Matali Crasset s’est sorti de ce piège avec une statégie capilaire :une coupe de cheveux devenu logo … occupant un territoire que starck ne peut occuper celui d’une femme designer, Jeanne d’Arc du design comme écrivent les anglo-saxons…
Un autre expert a écrit : pour être connu et reconnu, il faut une bonne coupe de cheveux….leçon de Karl + Matali….etc